La
plus vieille épicerie en Amérique du Nord
L'épicerie J.A. Moisan,
la plus ancienne en Amérique du Nord, est ouverte depuis
132 ans sur la rue Saint-Jean, à Québec.
Cette petite épicerie de quartier remplie de spécialités
fait le bonheur de ceux qui apprécient un plongeon
dans le passé ainsi qu'un service personnalisé.
Ce qui nous frappe quand on entre chez J.A. Moisan,
c'est bien sûr la décoration. Des dizaines d'objets,
évocateurs d'un passé plus ou moins lointain,
fascinent le visiteur, au point même de l'étourdir
un peu, à la limite.
L'un
des copropriétaires de J.A. Moisan, Clément
Saint-Laurent, commente la touche « à l'ancienne »
et l'aspect familial de cette épicerie : « Quand
on entre ici, on a l'impression de traverser un mur et on
retombe dans le temps. J.A. Moisan a 132 ans cette
année. On est en vie familiale ici. Mon frère,
mon épouse, mon garçon sont ici. Il y a toute
cette complicité familiale entre les employés.
Je fais ma tâche administrative, comme Nathalie fait
la sienne, mon frère aussi, mais on se garde toujours
un maximum d'heures sur le plancher pour l'accueil des gens,
pour le service à la clientèle directement.
Le client aime venir, mais aime aussi rencontrer le propriétaire.
Parce que s'il a des commentaires à faire, il aime
savoir que ça va à la bonne personne. Alors
on est toujours ici ».
Le
fondateur, Jean-Alfred Moisan, était d'origine modeste.
M. Saint-Laurent explique : « Ce monsieur
de la classe ouvrière a réussi à s'installer
sur la rue Saint-Jean, à s'établir et à
s'intégrer aux gens qui faisaient des affaires. On
voit que c'est quelqu'un qui voulait déjà se
démarquer des autres ». Les propriétaires
suivants ont voulu conserver cette différence. « L'idée,
poursuit M. Saint-Laurent, c'était de continuer
ce que l'épicerie était depuis toujours, c'était
de garder une indépendance, de ne pas avoir de bannière. »
Nous
avons invité Pierre Beaudoin, professeur en sciences
de la consommation à l'Université Laval, à
visiter cette épicerie. « Quand on regarde
le principe ici, dit M. Beaudoin, on voit que
c'est quand même une épicerie de quartier, sauf
que ce n'est pas seulement une épicerie de quartier;
c'est aussi un concept qui est connu depuis très longtemps :
une épicerie de spécialités. »
L'un
des habitués de l'endroit, Lucien Le Morvant, apprécie
cette distinction : « Vous avez ces dédales
où vous allez à droite et à gauche, mais
finalement, ça vous oblige à fouiller et vous
découvrez des choses que vous n'aviez jamais vues auparavant,
chose que vous ne faites pas dans les grandes surfaces, parce
que vous suivez ! »
Un autre client, Adrien Dugas, est d'accord : « Il
m'arrive d'aller ailleurs, mais je reviens toujours ici. Il
y a une aire de dégustation où on peut prendre
le café et où on peut déjeuner. On est
toujours bien servi. C'est très agréable. »
M.
Beaudoin analyse : « Il y aura toujours
des commerces de grandes surfaces, mais je pense que les gens
ont besoin aussi d'avoir le pendant, un petit commerce où
il fait bon se retrouver, connaître les gens qui vont
vous appeler par votre nom souvent... parce que c'est une
clientèle qui est très fidèle !
Et donc ces commerces-là, c'est bien important que
ça reste ! ».
Le
passé est aussi un atout chez J.A. Moisan, affirme
M. Beaudoin : « Beaucoup de gens qui
viennent ici se rappellent des souvenirs, parfois des objets
d'utilité courante qu'on utilisait il y a 20, 25 ans...
on les a oubliés et quand on les revoit, il y a plein
de souvenirs qui nous reviennent en tête, et ça,
c'est une expérience, c'est de l'émotion. C'est
autre chose qu'on ajoute à l'expérience de magasinage,
c'est un avantage concurrentiel assez extraordinaire. »
Nathalie
Deraspe, copropriétaire, confirme ce comportement :
« Les gens disent : "Ah ! Moi
je venais ici quand j'étais jeune, avec ma mère
ou mon grand-père qui restait dans le quartier. On
venait ici tous les dimanches" C'était une sortie
familiale ici, dans le quartier, le dimanche. Ils allaient
à la messe, puis ils allaient magasiner [dans ce qui
était le] magasin général, finalement. »
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