Les
arômes
L'industrie de l'alimentation
pourrait difficilement se passer des arômes. Ils sont
partout. Les croustilles, les pâtisseries et les yogourts,
pour ne nommer que ceux-là, comportent des arômes
tantôt naturels, tantôt artificiels. Mais au fait,
quelle est la différence entre les deux ?
Faites
une expérience chez vous avec un ami. Bandez-lui d'abord
les yeux, puis faites-lui goûter un arôme sous
forme de purée, par exemple de la poire. Et, à
son insu, faites-lui sentir simultanément un arôme
différent, par exemple une banane bien mûre.
Il y a de fortes chances que son goût soit faussé.
Pierre
Miclette, aromaticien principal chez Metarom, explique : « Quand
on goûte, il y a très peu de choses que l'on
peut goûter avec la langue, donc la majorité
des choses que l'on goûte, ce sont les vapeurs qui remontent
dans notre nez ». C'est d'ailleurs ce qui explique
que notre perception du goût diminue beaucoup quand
nos sinus sont bouchés, par exemple à cause
d'un rhume.
M. Miclette
est un créateur d'odeurs. Chez Metarom, une entreprise
située à Granby, au Québec, il se spécialise
dans la fabrication d'arômes de toutes sortes. Des arômes
parfois naturels, parfois artificiels, que l'on retrouve,
entre autres, dans nos boissons gazeuses, nos croustilles
et notre crème glacée.
« Ce
qui distingue un arôme naturel et un arôme artificiel,
nous dit M. Miclette, c'est vraiment la provenance
des ingrédients qui entrent dans sa composition. Prenons
l'huile essentielle d'orange; c'est un très bon exemple.
Quelque 90 % de cette huile est une molécule qui
s'appelle le delta limonène. Le delta limonène,
vous pouvez l'avoir en recueillant une huile d'orange, oui,
mais vous pouvez aussi l'avoir en le synthétisant. »
Arôme naturel et artificiel, est-ce donc plus ou moins
la même chose ? Selon M. Miclette, oui : « En
gros, un arôme naturel et un arôme artificiel,
c'est la même chose, dans le sens que les molécules
y sont en gros les mêmes au niveau chimique ».
D'où proviennent alors les craintes de plusieurs consommateurs
lorsqu'ils voient l'expression « arôme artificiel »
sur une étiquette ? « Je pense que
c'est vraiment une perception qu'on a, une espèce de
"chimiophobie" qu'on a de nos jours, croit M. Miclette.
Dès qu'on utilise un langage scientifique, les gens
ont peur un peu. »
Selon
M. Miclette, « un arôme synthétique
ne sera pas mauvais pour la santé, et un arôme
naturel ne sera pas mieux pour la santé. En fait, c'est
bonnet blanc, blanc bonnet, parce qu'on retrouve les mêmes
molécules au bout du compte ».
Les mêmes molécules peut-être, mais en
tout cas pas au même prix. Il coûte beaucoup plus
cher d'extraire et de purifier une molécule naturelle
que de la fabriquer de toutes pièces. Ceux qui ont
déjà acheté de l'extrait de vanille en
savent quelque chose. L'extrait pur coûte environ 1,00 $
pour 10 ml, tandis que l'arôme artificiel coûte
environ 0,50 $ pour la même quantité.
Nous
avons trouvé un produit dont l'étiquette portait
l'expression « extrait de vanille artificielle ».
Un extrait peut-il être artificiel ? Non, répond
M. Miclette : « C'est une mauvaise
utilisation du mot parce qu'un extrait, c'est naturel. Donc
il faut que ce soit une extraction d'une plante ou de quelque
chose comme ça. Quand on met "synthétique"
ou "artificiel", ça veut dire que c'est une
imitation d'un extrait ».
Les arômes ont la cote
Les nouvelles tendances en matière d'arômes
sont celles des agrumes mélangés, des
saveurs orientales (par exemple le gingembre et le thé
vert) et ce qui est considéré « santé »
(par exemple les bleuets).
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Nous
avons aussi voulu savoir pourquoi, quand on achète
par exemple un yogourt aux fraises qui contient déjà
une purée de fraises, on ajoute parfois en plus un
arôme de fraise, qu'il soit naturel ou artificiel. Réponse
de l'aromaticien : « Parce qu'en utilisant
les produits, en les pasteurisant, en les chauffant, en les
traitant pour ne pas avoir de problèmes de salubrité,
on détruit évidemment l'arôme. Donc, il
nous faut en rajouter si on veut que ça goûte
quelque chose ».
Pourquoi
alors trouve-t-on parfois à la fois un arôme
naturel et un arôme artificiel dans le même produit ?
« En fait, conclut M. Miclette, ils
n'ont probablement pas le choix, parce que c'est très
difficile de faire un arôme 100 % synthétique. »
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