La Sloche

Si on vous offre à boire une boisson à saveur de « poussin frappé » qui contient « huit éléments pas vraiment essentiels », ça vous dit quelque chose? Si vous êtes un adolescent ou parent d'un ado, probablement. Il s'agit de l'une des barbotines de Couche-Tard destinées principalement aux jeunes.

 


Des slogans comme « la sloche cause la coloration de la bouche », « la sloche gèle momentanément le cerveau », « l'excès de sloche peut tomber sur le cœur » et des noms comme « goudron sauvage », « poussin frappé » et « winchire wacheur » : voilà l'approche marketing de Couche-Tard. Et ça fonctionne, semble-t-il : les ventes de Sloche ont augmenté de 400 % l'année dernière.


Stéphane Gonthier, vice-président aux opérations chez Couche-Tard, explique : « Il n'y a pas de fausse prétention. Notre magasin n'offre pas des produits santé. On le dit, d'ailleurs. Si vous cherchez ça, ne venez pas chez nous. Nous, on vend du plaisir ».

 

Félix Légaré, concepteur publicitaire chez BOS, défend sa pub : « On sait que ce n'est pas un produit santé du tout, mais on lui donne un caractère, on s'amuse avec les jeunes, on leur fait des clins d'œil. De la barbotine, c'est rien de naturel, donc on ne fait pas croire que ce sont des vraies saveurs. On dit aux jeunes : "On sait que vous n'êtes pas nonos" ».


Qu'y a-t-il dans la Sloche? « C'est très simple, répond M. Gonthier. C'est beaucoup de sucre et d'eau. Surtout beaucoup d'eau. On peut dire qu'il y a probablement 95 % d'eau dans ce produit-là. » De quoi s'assurer une assez bonne marge de profit pour un verre d'eau! Mais pour cibler la clientèle des 12-15 ans, il faut une campagne publicitaire spéciale.


«Une chose que j'aime beaucoup avec cette campagne-là, dit M. Légaré, c'est qu'on ne propose pas des images comme "Si tu bois ça, tu vas être cool, tu vas être plus beau et tu vas pogner plus". Il faut toujours avoir quelque chose de différent, il faut aller les chercher là où ils ne nous attendent pas. Je pense qu'ils sont facilement déçus quand on fait recette. »


Alors, quelle est la recette marketing de la Sloche, la barbotine de Couche-Tard? « Il y a un "langage Sloche", nous dit M. Gonthier. Par exemple, on peut lire sur cette étiquette : "Aucun animal n'a goûté à ce produit avant vous." C'est absurde, évidemment. C'est sans compromis, c'est extrême dans le sens où on va jusqu'au bout. On se moque de tout, finalement. Il n'y a aucun tabou, et c'est ce que les ados aiment. »

 

 

Simon Beaudry, concepteur publicitaire chez BOS, poursuit : « C'est pas à tous les jours qu'on peut travailler pour une marque qui représente tout ce qu'une marque n'est pas supposée être ». « C'est, à la limite, anti-marketing, anti-publicitaire, affirme de son côté M. Légaré, et les ados aiment tout ce qui est "anti". On s'entend bien là-dessus, je pense. »

 

La dernière saveur de Sloche, c'est la « rose beef ». « La viande est juteuse et comporte sa dose de sang, sauf que pour nous, ça devient un élément graphique comme un autre », commente Simon Beaudry. « La première fois que Simon a sorti cette image-là, lance M. Légaré, j'ai eu un petit haut-le-cœur en pensant à l'idée de tirer sur la paille et d'avoir le goût du sang dans la bouche. »

 

Qu'est-ce que ça goûte vraiment?

« Les fleurs »
« Un peu comme le melon d'eau »
« Le jus de pêche »


« Effectivement,
poursuit M. Légaré. Le vrai goût de "rose beef", c'est pêche sûre. Les sortes ont des vraies saveurs écrites quelque part, en dessous, en petit. »

« Jamais on n'offrirait au consommateur un produit qui goûte les pêches, de la couleur pêche et avec le nom "je goûte à la pêche", affirme M. Gonthier. Et ce n'est pas ce qui est recherché non plus. » « Ça s'adresse vraiment aux jeunes, dit M. Beaudry. On leur parle, puis s'il y a des gens d'un groupe d'âge plus élevé qui n'aiment pas ça, ce n'est pas grave, parce que ce n'est pas à eux qu'on s'adresse. »

Et ce langage s'étend jusqu'aux bonbons. Là encore, les saveurs, les couleurs et même les formes défient les papilles. Bref, aucune logique! Que ce soit par le nom ou la couleur qu'on leur donne, le but n'est pas de rendre les produits Sloche appétissants. C'est plutôt de créer un univers.

 

« Grâce à la Sloche et aux bonbons, conclut M. Gonthier, on devient une destination pour le pré-ado et l'ado, et non seulement une commodité, ce qu'on était davantage dans le passé. »

 


 

 

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Site officiel de la Sloche
Site destiné aux adolescents

 

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