Les panachés (coolers)

On trouve de plus en plus de panachés sur le marché, ces boissons aromatisées fraîches et pétillantes qui nous aident à supporter le brûlant soleil de l'été. Beaucoup de femmes et de jeunes les préfèrent à la bière. L'épicerie s'est demandé ce qu'ils contiennent.

Quoi de plus rafraîchissant qu'une boisson froide quand le soleil est à son zénith! Bien sûr, on peut boire de l'eau, du jus ou de la bière. Mais de nouvelles boissons viennent désormais les concurrencer : les panachés (appelés couramment « coolers »), des boissons aromatisées alcoolisées, fraîches et pétillantes, très à la mode chez les femmes et les jeunes.

« Les fabricants ont compris un principe tout simple du marketing qui s'applique spécialement aux boissons alcoolisées, explique Luc Dupont, professeur de marketing à l'Université d'Ottawa. C'est que si on réussit à les persuader en bas âge (18, 19, 20 ans), les probabilités que, en vieillissant, ces jeunes continuent à consommer ces boissons sont très importantes. On les attaque de plus en plus jeunes, au moment où on est très sensible aux modes, à tout ce qui est "tendance", pour employer un terme très à la mode chez les jeunes. Dans ce cas-ci, des couleurs très tendance, des logos très tendance, des noms de produits très tendance, on travaille beaucoup là-dessus, et ça donne des noms très exotiques qui souvent vont symboliser l'énergie, le dynamisme. Il n'y a aucune de ces boissons-là qui vous promet une soirée "pépère". Ce qu'on vous promet, c'est beaucoup d'action, du plaisir. »

Pur produit du marketing, le succès des coolers s'explique en bonne partie par l'image qu'ils projettent — branchés, dynamiques, frais, légers — et surtout par leur goût différent qui ne ressemble ni à celui de la bière, ni à celui des spiritueux.

« Quand j'étais jeune, je n'aimais pas du tout le goût de la bière. Les coolers, ça ne goûte pas du tout l'alcool et la bière. Ça goûte le Kool-Aid, à la limite. »
	« Des gens disent que les hommes boivent de la bière, mais moi, je n'aime pas le goût. Si t'aimes pas le goût, t'aimes pas le goût! »

On trouve sur le marché des dizaines de coolers différents. Certains sont fabriqués à partir de la liqueur de malt, comme le Cozmo.

Stéphane Duval, directeur du marketing chez Labatt, nous décrit ce qu'il contient : « C'est une base de malt, une bière qu'on filtre pour lui enlever certains caractères de la bière, et qu'on aromatise ensuite comme on veut. Dans le cas de Cozmo, elle est aromatisée avec du jus de canneberges concentré, donc ça contient du vrai jus ».

« Les Québécois représentent un marché particulièrement fort pour les coolers, affirme Diane Boivin, vice-présidente du marketing à la Société des alcools du Québec (SAQ), entre autres parce qu'on aime ce goût-là. On a le bec sucré au Québec. Donc c'est le goût sucré, et ensuite le goût fruité qui sont recherchés dans ces produits. »

Plusieurs coolers, vendus plus chers, sont disponibles dans les bars et à la SAQ. C'est qu'ils sont fabriqués à partir de spiritueux comme le rhum, la tequila ou encore la vodka, une boisson qui s'aromatise très facilement et qui plaît davantage aux femmes.

« La Smirnoff est un "coup de circuit" actuellement, estime M. Dupont. Initialement, elle visait le marché des femmes avec un argument tout simple : "Vous en boirez une ou deux durant la soirée, ça fera le travail, c'est un peu plus léger au goût et c'est plus rafraîchissant". Ça marche très bien. Tellement, d'ailleurs, qu'on s'aperçoit qu'il y a un segment de la population féminine qui ne consommait pas autrefois de boissons alcoolisées (surtout quand on parle de bière) et qui en consomme aujourd'hui. C'est donc une très grande réussite pour cette industrie. »

Lorsqu'on boit des panachés, on a davantage l'impression de boire de l'eau, une boisson gazeuse ou du jus plutôt que de l'alcool ou de la bière. Leur couleur pastel ou limpide contribue à cette impression. Même le format des bouteilles n'est pas laissé au hasard. Laquelle de ces deux bouteilles contient le liquide le plus calorique?

Les spécialistes du marketing ont trouvé que la forme des bouteilles influençait la consommation des femmes, indique M. Dupont : « Les gens plus âgés se souviendront, dans les années 60 et 70, des bouteilles de bières très plates, des espèces de biberons. C'était très efficace avec les hommes d'un certain âge, mais ça ne fonctionnait absolument pas avec les jeunes, et en particulier avec les femmes. Raymond Loewy, un designer qui a redessiné la bouteille de Coca-Cola aux États-Unis, s'est aperçu en faisant des tests que plus il étirait le goulot de la bouteille, plus les gens avaient l'impression que le contenu était bas en calories. Je vous rappelle qu'une Québécoise sur deux avait, au dernier Jour de l'An, pris la résolution de perdre du poids. Alors vous voyez comme c'est important ».

L'épicerie a fait analyser en laboratoire une bière à des fins de référence et six coolers différents pour connaître leur teneur en calories. Résultat : à quantité égale, les panachés analysés contiennent jusqu'à deux fois plus de calories que la bière ordinaire.

N'oublions pas le sel! Les panachés à base de spiritueux que nous avons examinés contiennent l'équivalent de près de un tiers de cuillérée à thé de sel. Ceux à base de malt contiennent près de une cuillérée à thé de sel. Sous leur apparente légèreté en bouteille, les coolers contiennent un pourcentage d'alcool plus élevé que celui des bières, soit 7 % d'alcool.

« Leur goût est agréable et le goût de l'alcool est peu présent, estime Patrick Champagne, toxicologue judiciaire. On les boit donc plus facilement à jeun. Les effets de l'alcool se font ainsi sentir plus rapidement, et ils sont plus marqués lorsque le maximum est atteint plus rapidement. »

Combien de coolers peut-on consommer sans dépasser le seuil permis par la loi pour conduire une automobile? M. Champagne nous le montre :

« Deux coolers et demi sont suffisants pour que, une fois bus par un homme moyen, son taux soit d'environ 80 mg d'alcool par 100 ml de sang. »	« Chez les femmes, la consommation de un cooler et demi suffit pour atteindre la limite permise par la loi. »

« Souvent, les jeunes qui essaient de s'initier à l'alcool, par exemple au secondaire, ont un peu de [mal] avec le goût prononcé de la bière ou du fort. Je pense que, pour eux, des jus de fruits avec du fort ou des coolers comme ça, c'est une alternative pour essayer de l'alcool. »

Bien que réservés aux plus de 18 ans, les coolers, avec leur goût fruité, ont de quoi plaire aux adolescents. Comme les jeunes n'ont pas encore terminé leur croissance pour ce qui est de la taille et du poids, la consommation de panachés entraîne des effets beaucoup plus marqués chez eux que chez les adultes.

« Si un adolescent consomme deux ou trois coolers en l'espace d'une heure, affirme M. Champagne, il s'expose à une intoxication, à un taux d'alcool qui peut dépasser la limite permise par la loi et aussi avoir des symptômes d'état d'ébriété. »

Les coolers séduisent de plus en plus de gens. Seront-ils des incontournables de votre été?