•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Des panneaux solaires installé au-dessus de cerisiers.

L’agrivoltaïsme pour protéger les cultures

Le monde entier est confronté au défi de la transition climatique. Il faut de toute urgence produire de l'énergie de façon durable. En France, une approche novatrice allie protection des cultures et production d’énergie solaire. Mais si elle est porteuse d'espoir pour certains, elle soulève tout de même des questions d'acceptabilité sociale.

Le soleil est radieux en ce début de juin dans la Drôme. Cette région du sud-est de la France est l'une de ses principales productrices de fruits. Au détour d’une route de campagne, près de Loriol, des panneaux photovoltaïques font de l’ombre au beau milieu d’un verger de cerisiers. C’est ici que l’entreprise Sun’Agri teste une nouvelle technologie : l’agrivoltaïsme.

Le plus important dans "agrivoltaïsme", c'est "agri", insiste d’entrée de jeu Thomas Tillou.

Responsable du développement international chez Sun’Agri, il rappelle que la définition de l’agrivoltaïsme implique nécessairement que l’installation fournisse un véritable service aux terres agricoles qu’elle surplombe.

C'est un outil agricole fait de panneaux photovoltaïques et qui permet, par ailleurs, de produire de l'électricité que l'on dit verte. Solaire.

Une citation de Thomas Tillou, responsable du développement international, Sun’Agri
Thomas Tillou en entrevue.

Thomas Tillou est responsable du développement international chez Sun’Agri.

Photo : Radio-Canada

Grâce à une station météo et à différents capteurs installés sur le site, l’entreprise analyse en temps réel l'évolution des conditions météorologiques. Elle peut orienter les panneaux pour produire de l’électricité et protéger les cultures de la chaleur ou des intempéries.

Ce qu'on constate globalement sur nos installations agrivoltaïques, c'est qu'on va réduire fortement les pertes par brûlure sur les fruits, assure M. Tillou. On va réduire les besoins en irrigation jusqu'à 30 % sur un certain nombre de cultures.

Ici, par exemple, on constate des fruits et une production de fruits de meilleure qualité et moins sujette effectivement aux aléas, ajoute-t-il.

Des branches de cerisier sous des panneaux solaires.

Les panneaux solaires protègent les cerises des brûlures.

Photo : Radio-Canada

C’est sur l’exploitation de la famille Clair que le dispositif expérimental a été déployé.

En cueillant les derniers fruits de la saison, Adrien Clair nous parle des avantages que procurent les panneaux au-dessus de ses cerisiers.

Dès qu'ils détectent une goutte de pluie, ils se mettent automatiquement à plat, ce qui fait que nous, ça nous protège pour l'éclatement de la cerise quand c'est bien mûr, explique M. Clair. Et on a vu quelques résultats : effectivement, on avait moins d'éclatement dessous.

Deux hommes inspectent le contenu d'une chaudière.

La famille Clair a accueilli sur sa terre le dispositif expérimental de Sun'Agri.

Photo : Radio-Canada

L’entente avec la famille Clair s’échelonne sur une période de 30 ans. Le verger demeure sa propriété. L’installation de la structure se fait aux frais de Sun’Agri. En contrepartie, l'entreprise encaisse les revenus de la production d’électricité.

Le seul vrai bénéfice qu'on va avoir, c'est vraiment sur la protection de nos fruits. Vu qu'on va gagner en qualité, on va forcément gagner en prix, on va forcément avoir un meilleur rendement, et on va avoir plus d'argent. [...] C'est l'intérêt d'avoir fait ça.

Une citation de Adrien Clair, agriculteur
Portrait d'Adrien Clair.

Adrien Clair estime que la protection qu'offrent les panneaux solaires permet à sa plantation d'avoir un meilleur rendement.

Photo : Radio-Canada

Un engouement qui se confirme, mais à quel prix?

À l’échelle planétaire, l'énergie solaire semble être en voie de devenir graduellement dominante sur les marchés de l’électricité, suggère une étude récente, publiée dans la revue Nature (Nouvelle fenêtre) par des chercheurs basés au Royaume-Uni.

Pas surprenant d’assister à une véritable course dans la campagne française pour profiter de cette manne. Une frénésie, pour certains, qui pourrait engendrer d’importants problèmes.

Des milliers de panneaux solaires.

Dans la commune de Crucey-Villages, dans le sud de la France, une centrale photovoltaïque a gobé une bonne partie du paysage. Elle a toutefois été aménagée sur une ancienne base militaire et non sur une exploitation agricole.

Photo : Getty Images / AFP / ALAIN JOCARD

Aujourd'hui, pour installer des centrales photovoltaïques, on a tendance à remplacer les terres agricoles, souligne Thomas Tillou. Or, le problème, c'est que tout ce que vous mangez provient exclusivement de sols agricoles. Absolument tout.

Vouloir mettre des énergies renouvelables à la place de l'agriculture, c'est peut-être bien pour la planète et le réchauffement climatique, c'est quand même problématique pour notre alimentation et pour l'agriculture, parce qu'on ne mange pas d'électrons.

Une citation de Thomas Tillou, responsable du développement international, Sun’Agri

Il va bien falloir, à un moment donné, trouver une solution pour faire cohabiter les deux approches, ajoute-t-il.

Plan rapproché de Vincent Delmas.

L'agriculteur Vincent Delmas affiche un enthousiasme prudent devant l'agrivoltaïsme.

Photo : Radio-Canada

Vincent Delmas n’est pas partisan d’un agrivoltaïsme tous azimuts. Ce producteur maraîcher de la Drôme est membre du secrétariat national de la Confédération paysanne, un syndicat qui combat le modèle agricole industriel dominant.

Malgré certaines réticences, il a accepté l’installation d’une serre et d’un hangar photovoltaïque sur son exploitation. Ce système fonctionne bien en ce qui a trait à la production agricole, explique-t-il.

Je suis très content de mon choix parce que, des années comme l'année dernière, on a eu des canicules qui se sont succédé pendant trois mois, voire quatre mois. Pour moi, mes salariés et nos plantes aussi, on était très heureux de travailler là-dessous, à l'ombre.

Une citation de Vincent Delmas, agriculteur
Une serre dotée de panneaux solaires.

Vincent Delmas a accepté qu'une serre et un hangar recouverts de panneaux photovoltaïques soient installés sur sa terre.

Photo : Radio-Canada

Les premiers projets de serres photovoltaïques qui ont été construits en France n'étaient souvent en fait que des alibis pour installer des panneaux solaires, croit M. Delmas.

Il donne l’exemple de producteurs qui faisaient paître quelques moutons sous des panneaux solaires pour laisser croire qu’ils avaient toujours une activité agricole.

Des moutons en train de paître sous des panneau solaires.

Une installation photovoltaïque dans le sud de la France. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / AFP / RAYMOND ROIG

C’est pourquoi il faut se méfier des faux projets d’agrivoltaïsme et toucher le moins possible aux terres agricoles, dit-il avec conviction.

Avec la quantité de bâtiments que nous avons dans notre pays, les bords de canaux, les bords d'autoroutes, le bord de voies ferrées, il y a énormément d'espaces qui sont artificialisés, qu'on pourrait utiliser pour la production solaire.

Une citation de Vincent Delmas, agriculteur

L'acceptabilité sociale

Quelque 500 km plus au nord, à Amance, en Bourgogne Franche-Comté, un groupe de citoyens s’est donné rendez-vous dans un champ de blé, au pied d’un projet pilote agrivoltaïque, chez l’agriculteur Sylvain Raison. L’acceptabilité sociale est au cœur du débat.

Comme pour les installations éoliennes, une telle structure dans le paysage ne laisse pas indifférent.

Des citoyens discutent dans un champ de blé, sous des panneaux solaires.

Les avantages et les inconvénients de l'agrivoltaïsme alimentent les discussions.

Photo : Radio-Canada

C'est quand même positif que des gens viennent visiter les installations, ceux qui s'y intéressent, se réjouit M. Raison. Ils ne sont pas venus avec des banderoles, ils sont venus pour s'intéresser, pour voir ce qui se passe. Et aujourd'hui, tout le monde est concerné par l'énergie.

Un représentant du promoteur TSE est sur place pour répondre aux questions.

Si on ne veut pas carboner la France, on enlève tout ce qui est fuel, charbon et compagnie. Donc, il nous reste les énergies renouvelables, note Mickaël Carlot, directeur régional de TSE. Les éoliennes, vous le dites vous-mêmes, c'est vrai qu'on constate que c'est de plus en plus compliqué, effectivement. Donc, il reste le solaire.

La structure métallique chez Sylvain Raison est impressionnante. Avec ses 27 mètres d'écartement entre les poteaux et des panneaux solaires à 5 mètres de hauteur, elle permet le passage de la machinerie agricole.

Un tracteur entre les poteaux de l'installation photovoltaïque.

L'installation a été réfléchie pour que les équipements de ferme puissent y passer.

Photo : Radio-Canada

On voit qu'on a une technologie pensée pour l'agriculture, dit Martin Lachenet, agronome pour l'Alliance BFC (Bourgogne Franche-Comté). Il y a quelque chose d'important à intégrer, c'est l'acceptation par les riverains dans les campagnes.

Il va falloir un vrai effort d'intégration de ces structures dans le paysage. Et du coup, ça, il faut que ça se pense. Bien sûr, une installation comme ça, c'est chouette quand on y est, mais si on a sa maison juste en face... Il faut tout penser.

Une citation de Martin Lechenet, agronome
Martin Lechenet en entrevue.

Martin Lechenet est agronome pour l'Alliance BFC.

Photo : Radio-Canada

Encadrement et expansion

Pour éviter les dérives, la France a décidé d’encadrer le secteur de l’agrivoltaïsme.

L’agriculture doit y rester l’activité principale. L’impact environnemental, le respect des paysages et l’acceptabilité sociale doivent aussi être pris en considération.

En France, nous avons des garde-fous. On a plusieurs organismes de l'État qui, à chaque étape du développement de notre projet, vérifient notre projet, nous le valident. Et sans ça, on ne peut pas obtenir le permis de construire, explique Mickaël Carlot, de TSE.

Mickaël Carlot parle, Sylvain Raison tend l'oreille.

Le promoteur Mickaël Carlot est venu discuter avec les résidents sur l'exploitation de Sylvain Raison.

Photo : Radio-Canada

Et après l'Europe, l'agrivoltaïsme fait son entrée en Amérique.

Aux États-Unis, un certain nombre d'États ont mis en place des mesures assez fortes pour promouvoir l'approche agrivoltaïque de différentes façons, note Thomas Tillou, de Sun'Agri. Je pense que ce sont des choses qui devront se faire également à terme dans d'autres pays, et notamment au Québec.

Il est difficile de voir où sera l'agrivoltaïsme dans 10 ans ou dans 15 ans par rapport au solaire, ajoute-t-il.

Bien évidemment, ça ne représentera pas la majorité des installations photovoltaïques, mais néanmoins, c'est une pierre importante, je pense, dans l'édifice des énergies renouvelables aujourd'hui.

Des panneaux solaires au-dessus de pommiers.

Des panneaux solaires installés au-dessus de pommiers biologiques, dans un verger de Gelsdorf, dans l'ouest de l'Allemagne. (Photo d'archives)

Photo : Associated Press / Martin Meissner

Le reportage de Maxime Poiré et Simon Giroux sur l'agrivoltaïsme a été présenté à l'émission La semaine verte, diffusée sur ICI Télé le samedi à 17 h et le dimanche à 12 h 30 ainsi que sur ICI RDI le dimanche à 20 h.

L'émission du week-end prochain de La semaine verte sera entièrement consacrée à la recherche d'équilibre dans le partage des terres, au Canada, entre production agricole et production d'énergie verte.

Panneaux solaires installés au dessus des champs.

Le reportage de Maxime Poiré et Simon Giroux

Photo : Radio-Canada

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.