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Garder bien vivant le feu de la culture anishnabe

Une journée traditionnelle est au programme dans la communauté anishnabe de Pikogan. Chaque année, afin de célébrer le retour du beau temps et la fin de la période de trappe, les gens de la communauté se réunissent pour la journée tant attendue du Sakapwan, mot anishnabe qui veut dire « cuire le gibier sur le feu ».

Des oies qui cuisent près d'un feu.

Les oies cuisent selon la méthode ancestrale autochtone.

Photo : Radio-Canada / Etienne Rivard

Le village dort paisiblement. Plusieurs jeunes ont insisté pour passer la nuit dans leur salle de classe de l’École primaire Migwan. Un peu comme à la veille de Noël, les enfants ont bien hâte au réveil.

Cette journée, la journée Sakapwan, qui veut dire faire cuire la viande sur le feu, est une date qui est encerclée sur bien des calendriers dans les maisons de la communauté située à environ une heure au nord de Val-d’Or en Abitibi-Témiscamingue.

Bien que la plupart des habitants sont au pays de morphée, quelques kokoms, sourire aux lèvres, sont dédiées à la préparation des pièces de viande qui constitueront le dîner communautaire du midi. Aucune liste de tâches d’affichée nulle part, tout est dans la tête, dans la mémoire, dans la tradition.

Quand je regarde mes mains qui apprêtent le castor, je vois les mains de ma mère. Anna Mapachee est une kokom, une grand-maman. Avec des mains de grand-maman. Des mains qui ont vécu. Des mains qui peuvent transmettre du savoir, un mandat qui se passe de génération en génération, d’une importance capitale pour la survie de la culture anishnabe.

Ça se voit dans ses yeux que c’est important pour elle. Elle a pu bénéficier du savoir transmis par les générations antérieures. Elle sait que ces femmes vivent toujours en elle.

Une dame âgée sourit.

Les yeux et le sourire d’Anna sont contagieux, même aux petites heures du matin.

Photo : Radio-Canada

Résonance

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Résonance

On le sent. Son grand coeur est présent partout dans la pièce où elle s’affaire à préparer les mets pour la Sakapwan, pendant que les plus jeunes dorment encore. Une dame qui couvre d’amour les gens qui l'entourent. C’est typique des kokoms, ces dames qui sont à la tête des différentes familles de la communauté.

Anna Mapachee prépare le castor.

Anna à l’oeuvre, préparant la viande de castor

Photo : Radio-Canada

Transmettre la tradition

Si la culture anishnabe est encore vivante, c’est grâce à ces kokoms, qui, comme Anna, poursuivent la tradition. Autant dans le village qu’en forêt, l’héritage que les enfants reçoivent est très enrichissant. Peut-être même plus en forêt.

On se sent vraiment chez nous quand on est en forêt. La liberté se trouve là.

Une citation de Anna Mapachee

La liberté que les enfants ont en forêt devient une façon de voir la vie.

La valeur du temps se mesure en la qualité de celui-ci.

C’est ce qu’on enseigne aux plus jeunes.

Ses valeurs familiales se font sentir rapidement, surtout quand elle parle de son petit-fils Steevie. Ses yeux brillent en racontant cette anecdote relatant le moment où il a chassé sa première perdrix.

J’ai demandé à un de mes frères de l’accompagner et lui montrer. Je lui ai dit : "c’est sa première perdrix". Il l’a toute arrangée. Je les voyais plus loin dans le petit boisé. Au travers de tout ça, mon frère racontait, pas vite, très tranquillement, une légende, ou bien des choses qu’il a vécues avec nos parents. C’est ça qui est merveilleux avec nos enfants pendant les semaines culturelles.

Espace cuisson

Le bruit du crépitement et l’odeur du feu resteront dans la mémoire.

Avant le lever du soleil, pendant que les femmes préparent la nourriture, les hommes aménagent le site.

Il faut que tout soit prêt : tentes, feu et crochets, dès cinq heures, afin de débuter la cuisson dans les trois différents espaces: un pour les oies, un pour les castors et un dernier pour la cuisson de la bannique, le pain traditionnel de l’héritage autochtone.

Tout autour du feu, des bâtons numérotés sont plantés. Chaque enfant aura le sien. Chacun son bâton, chacun sa bannique.

À l’intérieur, dans chacun des groupes, bien que les élèves soient en classe, ils ont tous la tête dehors. Difficile de rester concentré lors de journées culturelles.

Délivrance, la cloche sonne. Enfin, diront certains.

Tous les gens présents, jeunes et moins jeunes, se retrouvent alors devant l’école où ils forment un grand cercle avant la prière du matin.

L’attention est sur Anna, à qui revient l’honneur de partager sa gratitude avec les gens de la communauté.

Un moment d’une grande sérénité.

Anna Mapachee parle au micro.

Anna prend la parole pour la prière d’ouverture du Sakapwan, le 24 mai 2023.

Photo : Radio-Canada / Etienne Rivard

Les enfants étant des enfants, dès le signal donné, fini le calme, tous accourent vers le site, curieux de voir comment on fait cuire castor, oie et bannique.

Deux personnes près d'un feu.

Un élève regarde sa professeur placer sa bannique afin de la faire cuire.

Photo : Radio-Canada / Etienne Rivard

Autant les sourires des enfants quand ils dégustent enfin leurs bannique sont grands, autant les yeux des plus vieux s’illuminent de voir la prochaine génération se rapprocher de ses racines.

Un enfant devant plusieurs bâtons.

Tous ont leurs bâtons numérotés, question de ne pas perdre de vue leur bannique.

Photo : Radio-Canada

Chaque classe de l’École Migwan a droit à son moment. Les membres de la communauté sont généreux. Tous veulent partager leurs connaissances avec les plus jeunes.

Les enfants courent et jouent librement. Aucun moment de discipline. C’est la fête.

Plusieurs personnes mangent à une table.

Des tables sont placées un peu partout dans l’école primaire.

Photo : Radio-Canada

Puis, en un claquement de doigts, c’est déjà l’heure du dîner. Tous de retour à l'intérieur où l’école a été réaménagée en grande cafétéria; des tables dans les corridors et dans toutes les classes. Familles et amis, tous sont admis, chacun aura droit à sa part du festin. À la quantité de nourriture qu’il y a dans le buffet, chacun mangera à sa faim et c’est aux plus jeunes que revient l’honneur de se faire servir en premier; il ne faudrait pas que les petits manquent de quoi que ce soit.

Aucune chance que cela n’arrive. Vous souvenez-vous des festins dans les bandes dessinées d’Astérix?

Plusieurs personnes se servent de la nourriture.

Les assiettes se remplissent rapidement.

Photo : Radio-Canada

Passation des pouvoirs

Si le sourire d’Anna est bien visible tout au long de la journée, il est encore plus grand quand vient le temps de parler des prochaines années. Voir une relève, la prochaine génération prendre de plus en plus les devants pour que la culture puisse vivre, c’est pour elle un soulagement.

Après l’avoir vécue, plus personne ne se demande pourquoi ils organisent une journée comme ça.

C’est en eux.

En nous en fait.

Tout le monde peut participer, pas besoin d’invitation.

La culture autochtone revit. Tranquillement. Grâce à des gens comme Anna qui, inspirée par ses ancêtres, se fait un devoir de passer le flambeau à son tour. Grâce à tous ceux qui veulent bien découvrir l’histoire des peuples qui nous entourent.

C’est comme une flamme. C’est sûr qu’il y a des temps morts. Mais temps mort, je veux dire, la braise est là, c’est à toi de l’activer.

Avec la collaboration de Mathieu Carli

Anna Mapachee parle au micro.

Regardez le reportage

Photo : Radio-Canada / Etienne Rivard

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