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Détresse psychologique chez les éleveurs de porcs québécois

De jeunes porcs dans une porcherie.

Les éleveurs de porcs du Québec ont dû affronter de nombreux obstacles au cours des dernières années.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

La crise qui secoue l’industrie porcine depuis trois ans a eu des conséquences funestes dans Chaudière-Appalaches : deux suicides sont survenus l’hiver dernier, ceux d’un éleveur de porcs et d’une autre personne liée à l’industrie.

C'était assez pour que l'organisme Au cœur des familles agricoles et le Centre de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches tapissent les toilettes des restaurants et des dépanneurs de la région de feuillets de prévention sur lesquels sont indiqués les numéros de téléphone à composer en cas de détresse psychologique.

Michel Laroche, directeur du programme de santé mentale et de dépendances du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches, a admis avoir été secoué par la confirmation de la nouvelle.

On a fait : "Oups, là, il se passe quelque chose [...] quand on se retrouve avec deux personnes en perte d'espoir." Ça nous éveillait au risque que d'autres cas surviennent.

Une citation de Michel Laroche, directeur du programme de santé mentale du CISSS de Chaudière-Appalaches

Le CISSS a rapidement demandé à ses membres de prioriser les appels des éleveurs de porcs.

C'est la première fois qu'on a une initiative de la sorte, a noté M. Laroche. Mais là, on sentait qu'il y avait une situation critique avec l'annonce de la fermeture d’Olymel dans le secteur de la Beauce.

Portrait de Michel Laroche.

Michel Laroche est le directeur du programme de santé mentale et de dépendances du Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

Olymel est le plus gros transformateur de porcs du Québec : cette entreprise abat plus de 80 % des porcs produits dans la province.

L’entreprise a annoncé au printemps dernier qu’elle fermerait en décembre prochain l’abattoir de Vallée-Jonction, qui sert le plus grand bassin d’éleveurs indépendants de la province, en Beauce, dans Chaudière-Appalaches.

Ces éleveurs indépendants, qui forment le tiers de l’industrie, prennent toutes les décisions d'investissements et assument les risques associés à la gestion d’une porcherie.

La fermeture d’un abattoir à proximité de leurs fermes signifie qu’ils devront envoyer leurs animaux se faire abattre plus loin et donc dépenser des milliers de dollars de plus en transport.

La devanture de l'abattoir de Vallée-Jonction.

L'abattoir d'Olymel de Vallée-Jonction doit fermer ses portes dans quelques mois.

Photo : Radio-Canada / Patrick Andre Perron

Une industrie en crise depuis trois ans

Quel que soit leur statut, tous les éleveurs de porcs du Québec ont dû affronter une multitude d’obstacles depuis la pandémie : fermeture partielle du marché de la Chine – principal acheteur de porc canadien en Asie –, baisse de prix de 20 % consentie par les éleveurs à Olymel et aux transformateurs, sans compter la grève dans un abattoir qui a laissé certains éleveurs avec des porcs qui grossissaient à vue d’œil sans possibilité d'abattage.

C’est dans ce contexte que Guillaume Gagné, un éleveur de Saint-Frédéric, en Beauce, a eu des idées noires.

Moi, dans le temps des Fêtes, j'ai pris ça dur, psychologiquement, parce que j'avais pris des ententes avec mes fournisseurs et que je n'ai pas été capable de les respecter, nous a-t-il confié. Je n'avais pas reçu ma marge de crédit. Dans ma tête, je fonçais dans un mur.

Portrait de Guillaume Gagné.

Guillaume Gagné est un éleveur de porcs de Saint-Frédéric, en Beauce.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

En mars dernier, M. Gagné est allé rencontrer ses créanciers afin de déterminer s’il pouvait se prévaloir du programme de retrait volontaire mis sur pied par l’organisation des Éleveurs de porcs du Québec pour réduire la production de porcs dans la province.

Puisque le principal acheteur, Olymel, a réduit de 39 % ses capacités d’abattage de 2021 à 2023, les Éleveurs de porcs du Québec gèrent un fond spécial destiné à ceux qui acceptent de ne pas produire de porcs pendant cinq ans.

L’éleveur de Saint-Frédéric souhaite obtenir 300 000 $ dans le cadre de ce programme afin de radier partiellement les dettes liées à sa porcherie. Il est un de ceux qui ont été appelés par le service d’aide psychologique mis sur pied le printemps dernier par les organismes d’entraide de sa région.

Je trouve que c'est très bien, parce que ça peut sauver des vies. Mais quand on en est rendu là dans une industrie qui existe depuis 50 ans, pourquoi on n'a pas agi avant?

Une citation de Guillaume Gagné, éleveur de porcs

Vous avez besoin d'aide pour vous ou pour un proche?

  • Sur le web : www.suicide.ca
  • Par téléphone : 1 866 APPELLE (277-3553)
  • Par texto : 535353

Coup de théâtre en plein été

Lorsque nous avons revu Guillaume Gagné, quelques mois plus tard, il était décontenancé par un nouveau revirement de situation dans l’industrie.

En plein cœur de l’été, les transformateurs ont signalé qu’ils manquaient de porcs à abattre et Olymel a aboli des quarts de travail.

On vient de passer une crise où les cochons s'entassaient dans les fermes. On ne savait plus quoi en faire. Puis là, on apprend qu'il en manque. C'est quoi, la vérité? On ne le sait pas, a déploré M. Gagné.

Portrait d'André Lamontagne.

André Lamontagne, ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec.

Photo : Radio-Canada / La semaine verte

André Lamontagne, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, semble se poser la même question.

En juin dernier, il a commandé une étude sur les perspectives d’avenir de l’industrie, dont les résultats seront connus dans les prochains mois.

Il a aussi encouragé les éleveurs et les abattoirs à se doter d’un inventaire qui reflète fidèlement le nombre de porcs dans les fermes.

Entre-temps, les Éleveurs de porcs du Québec ont cessé d’envoyer des bêtes se faire abattre à l’extérieur de la province. Tous les porcs produits au Québec doivent maintenant être acheminés chez Olymel en priorité tant que la compagnie manquera de porcs à abattre.

Guillaume Gagné est entouré de porcs dans un champ.

Guillaume Gagné a dorénavant choisi d'élever des porcs au pâturage.

Photo : Radio-Canada / Geneviève Brault

Guillaume Gagné en a assez. Qu’il soit sélectionné ou non par le programme de retrait volontaire, il dira bientôt adieu à la production conventionnelle.

Il se tourne vers un autre projet, davantage porteur d'avenir à ses yeux : élever des porcs au pâturage. Il a sélectionné trois races susceptibles de bien se débrouiller à l’extérieur, selon lui : des Berkshire, des Mangalitsa et des KuneKune.

Déjà, une centaine d’animaux gambadent dans un champ situé à quelques kilomètres de sa porcherie.

J'ai trouvé une solution, nous a-t-il dit. Je suis dans ma voie. Il n'y a personne qui va me faire déroger de ça. Je me souhaite un bon avenir. Et j'ai confiance.

Le reportage de Julie Vaillancourt et de Geneviève Brault a été diffusé à l'émission La semaine verte sur ICI TÉLÉ samedi à 17 h et dimanche à 12 h 30 ainsi que sur ICI RDI dimanche à 20 h.

Un éleveur de porc regarde à l'extérieur de son bâtiment.

Le reportage de Julie Vaillancourt et de Geneviève Brault.

Photo : Radio-Canada

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