La rivalité entre Offenbach et Corbeau au cœur d’une série documentaire
Portrait à l'aquarelle de Marjo, qui fait face à Gerry Boulet
Photo : Vrai/Les Productions Déferlantes
La série documentaire Québec Rock – Offenbach vs Corbeau, offerte depuis mardi sur la plateforme Vrai, met en lumière les liens intrinsèques qui existaient entre les deux groupes rock mythiques du Québec, pour le meilleur et pour le pire.
Les quatre épisodes d’une heure de la série de Félix Rose (Les Rose, Le dernier felquiste) donnent la parole à une impressionnante galerie de personnages ayant gravité dans l’orbite d’Offenbach, puis de Corbeau, formé à la suite de guerres intestines dans le premier groupe.
Contrairement à d’autres groupes de l’époque comme Beau Dommage, dont les membres sont encore très proches plus de 50 ans après sa formation, l’histoire d’Offenbach est une histoire d’affinités musicales, plutôt que d’amitié profonde. En effet, les désaccords ont marqué la trajectoire du groupe depuis ses débuts.
Offenbach a été créé au tournant des années 1970, comme nouvelle identité musicale du groupe « Les gants blancs », formé des frères Denis et Gérald Gerry
Boulet, du guitariste Jean Johnny
Gravel et du bassiste Michel Willy
Lamothe, fils du célèbre chanteur country Willie Lamothe.
Le nouveau nom, référence ironique au compositeur classique Jacques Offenbach, devait aussi marquer la transition du groupe du yé-yé à un rock beaucoup plus cru.
Pierre Harel et Gerry Boulet, deux têtes fortes
L’arrivée du chanteur et parolier Pierre Harel dans le groupe en 1972 a marqué la première implosion du groupe, poussant au départ du batteur Denis Boulet qui n’avait pas d'atomes crochus avec le nouveau venu. Johnny, Willie et Gérald, c’était mon monde, mais Harel ça n’a jamais été mon monde
, explique Denis Boulet dans le premier épisode de la série.
Je n’avais aucune affinité avec Denis, pis lui ne m’aimait pas parce que j’amenais du changement
, souligne de son côté Pierre Harel. Ce dernier est d’ailleurs responsable de la décision d’Offenbach de chanter en québécois, alors que Gerry Boulet et sa bande s’étaient toujours imaginés percer dans la langue de Shakespeare.
Après la sortie du premier album du groupe, Offenbach Soap Opéra, Denis Boulet est remplacé par Roger Wèzo
Belval. À cette époque, la formation connaît une sorte de consécration en enregistrant l’album Saint-Chrone-de-Néant (1973) devant des milliers de personnes à l’oratoire Saint-Joseph, à Montréal, une soirée baptisée la Messe des Morts.
Mais déjà, des tensions se faisaient sentir entre Pierre Harel et Gerry Boulet, deux têtes fortes qui commençaient à s’affronter. Il y avait des tensions, c’est certain, les deux voulaient être le boss
, se rappelle d’ailleurs René Malo, qui a été le gérant du groupe en 1972 et en 1973.
Le groupe Offenbach (Photo d'archives)
Photo : Vrai/Les Productions Déferlantes
La désintégration
En 1974, le cinéaste français Claude Faraldo a invité Offenbach à venir en France pour donner quelques concerts en Europe et pour filmer un documentaire sur leur quotidien. Toutefois, les instruments du groupe sont égarés au courant du voyage et ils ne réapparaîtront pas avant six mois. Les membres du groupe se sont vite rendu compte qu’il n’y avait pas grand-chose qui les unissait, au-delà de la musique.
C’était du monde, moi y compris, qui n'avait pas de raison d’être ensemble si on ne faisait pas de musique. Même, au contraire, c’était toxique
, se souvient Pierre Harel dans la série. Ce dernier a d’ailleurs quitté le groupe peu après la sortie du film, intitulé Tabarnac, tout comme le troisième album d’Offenbach enregistré pendant le tournage.
L'album suivant du groupe, Never Too Tender, a marqué quant à lui le départ de Michel Willy
Lamothe et de Roger Wèzo
Belval, qui n’étaient pas d’accord avec la sortie d’un album en anglais, surtout au moment où René Lévesque du Parti québécois s’emparait du pouvoir avec un projet souverainiste.
Gerry Boulet, chanteur d'Offenbach (Photo d'archives)
Photo : Vrai/Les Productions Déferlantes
Les transfuges d'Offenbach forment Corbeau
En 1977, les transfuges d’Offenbach – Pierre Harel, Michel Lamothe et Roger Belval – se sont réunis pour former Corbeau. Ils ont été rejoints plus tard par les guitaristes Jean Millaire, lui aussi ex-Offenbach, et Donald Hince. Le groupe a véritablement pris son envol avec l’arrivée de Marjolaine Morin, une jeune chanteuse prometteuse qui se fait bientôt connaître sous le nom de Marjo.
Au même moment, Gerry Boulet recrute le bassiste Breen LeBoeuf et le guitariste John McGale, qui sont restés avec Offenbach jusqu’à sa séparation en 1985. C'est le début d’une longue rivalité entre Offenbach et Corbeau, ainsi qu'entre Gerry Boulet et Marjo. Corbeau a d’ailleurs été sacré groupe de l’année en 1981 et 1982 à l’ADISQ, un titre qu'avait remporté Offenbach en 1980.
Le groupe Corbeau (Photo d'archives)
Photo : Vrai/Les Productions Déferlantes
Corbeau a connu son apogée avec la sortie de l’album Illégal (1982), mais connaît ensuite une panne d’inspiration. Marjo a poursuivi une carrière avec son amoureux, le guitariste Jean Millaire. En 1985, Gerry Boulet a aussi mis fin à Offenbach, ne se reconnaissant plus dans le groupe.
Marjo et Gerry se sont réconciliés finalement en 1988, en chantant Les yeux du cœur en duo à l’ADISQ. Les musiciens d’Offenbach et de Corbeau ont eux aussi enterré la hache de guerre à l’occasion du 30e anniversaire de la Messe des Morts à l’oratoire Saint-Joseph.
Marjo, chanteuse du groupe Corbeau
Photo : Vrai/Les Productions Déferlantes
