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Dans l’œil d’Ivanoh : les bonnes idées ne donnent pas toujours de bonnes photos

Ivanoh Demers, photojournaliste depuis plus de 20 ans, commente quelques-unes des images d'actualité des derniers jours, en s’attardant cette fois-ci aux concepts souvent ingénieux qui ne donnent cependant pas toujours de bons résultats.

Un soldat armé devant d'autres qui défilent.

Des cadets de l’armée russe s'exercent, le 23 avril 2024, à Saint-Pétersbourg, en vue d’une cérémonie soulignant la victoire de l’URSS contre l’Allemagne nazie.

Photo : Getty Images / AFP / OLGA MALTSEVA

Le photographe étant constamment à la recherche d’une scène originale à croquer, il imagine souvent des scénarios, tente d'anticiper l'action. Il peut avoir en tête une certaine composition et tenter de prévoir où les différents sujets vont se placer.

En faisant preuve de patience, il va régulièrement obtenir la photo désirée après plusieurs minutes d'essais infructueux. Mais parfois, même après de multiples tentatives, les résultats peuvent ne pas être bons. Et il faut savoir le reconnaître.

Nous sommes à Saint-Pétersbourg, en Russie. Des cadets russes se préparent pour une cérémonie qui aura lieu le 9 mai pour souligner la victoire des Russes contre les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale.

La photographe Olga Maltseva a repéré un soldat immobile, qu’elle a placé à l’avant-plan. Derrière, un groupe de cadets se dirige vers elle d’un pas rapide.

Je me permets d’interpréter son raisonnement : en réalisant ses photographies avec une basse vitesse d’obturation (environ 1/8 ou 1/15 seconde), l’arrière-plan fera l’objet d’un « flou de mouvement » (ou « flou cinétique »), ce qui créera un superbe effet et montrera que le défilé est en marche. Si le soldat qui tient un fusil reste bien immobile, il apparaîtra net sur la photo malgré la basse vitesse, ce qui fera un beau contraste avec les troupes derrière.

Une très bonne idée, qui valait la peine d’être essayée. D’ailleurs, on voit que l’effet de mouvement des militaires qui paradent est parfaitement réussi.

Par contre, le sujet en avant n’est pas net : il subit lui aussi un certain flou de mouvement ou peut-être un « flou de bougé » (induit par un mouvement de la main) – sans aucun doute accidentel –, ce qui bousille l’idée.

On a souvent le réflexe de vouloir publier une photo parce qu’on y a consacré un temps considérable. Erreur. Il faut être capable de lâcher prise et de laisser tomber son idée. Mieux vaut se concentrer sur la prochaine prise de vue.

M. Sunak a une main devant le visage.

Le premier ministre britannique Rishi Sunak lors d’une visite officielle à Varsovie, le 16 avril 2024.

Photo : Getty Images / AFP / SERGEI GAPON

Lorsqu’on couvre la politique, notamment, porter une attention particulière au positionnement des mains et à l’expression du visage permet de réussir de très bonnes photos. J’ai d’ailleurs déjà consacré une chronique à la gestuelle des mains.

Le photographe Sergei Gapon a choisi d’exploiter cette notion, la semaine dernière, alors que le premier ministre britannique Rishi Sunak était en visite à Varsovie, en Pologne.

Mais ici, la main est mal située et cache presque la totalité du visage de M. Sunak. La mise au point a été faite sur ses doigts. Et son œil, qu’on voit partiellement, est flou. Son expression faciale est donc difficile à interpréter. Résultat : une photographie confuse.

L'homme est vu en contre-plongée à travers une vitre fracassée.

Un ouvrier examine un puits de lumière brisé sur le Capitole, à Washington, mardi.

Photo : Getty Images / Andrew Harnik

Le Congrès américain a adopté mardi un plan d’aide militaire et économique d’urgence de 95 milliards de dollars pour l’Ukraine, Israël et Taïwan. Il a reçu un très large soutien au Sénat.

Le photographe Andrew Harnik était au Capitole pour illustrer ce vote. Il a choisi de montrer un ouvrier qui mesurait un puits de lumière fracassé. On perçoit à l’arrière-plan l’imposante architecture de l’édifice. Le projecteur à gauche est défectueux.

Quel est le concept derrière cette photo? Quel est le lien entre un homme qui va réparer une vitre brisée et le Sénat des États-Unis qui accorde une aide financière de 95 milliards? Quelle information émane de cette image? Je cherche toujours.

L'homme montre la langue.

Un artiste en costume traditionnel lors d’un spectacle donné pour le président du Bharatiya Janata Party, Amit Shah, mardi, à Bengaluru, en Inde.

Photo : Getty Images / AFP / IDREES MOHAMMED

En attente du deuxième tour des élections générales en Inde, une fête a été organisée pour le président du Bharatiya Janata Party, Amit Shah, dans la région de Bengaluru.

Un homme en vêtement traditionnel regarde le photographe avec de grands yeux et tire la langue. Elle devient forcément un élément important de l’image.

Qui est ce personnage? Que fait-il? Est-ce que ce geste fait partie d’un spectacle? Quel lien doit-on faire avec les élections générales au pays? Autre irritant : la femme à gauche de la photo nous regarde, ce qui détourne inutilement notre attention.

Lorsqu’on se pose autant de questions sur une photo, c’est qu’elle rate la cible.

Mon clin d'œil de la semaine

Dans le cadre d’un reportage des journalistes Daniel Boily et Davide Gentile sur les hospitalisations à domicile, j’ai accompagné l’infirmier Marc-André Tremblay alors qu’il allait voir des patients chez eux.

Mon idée était de prendre une photo à travers le dossier d’une chaise de cuisine. Il était important de montrer que l'action se situait dans la résidence du patient. Équipé d’un objectif grand-angle, je me suis servi d’un trou dans le dossier pour encadrer la scène. Et j’ai attendu plusieurs minutes un moment qui montrait bien les soins prodigués à la maison.

L'infirmier prend la pression d'un patient dans la salle à manger de ce dernier.

L’infirmier Marc-André Tremblay fait un suivi médical à domicile, en avril 2024.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Je ne vous montre toutefois pas les photographies moins réussies (plus d’une centaine) que j’ai prises avant d’arriver à un résultat que j’aimais…

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