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La redevance de 30 $ aux Îles-de-la-Madeleine, une mesure liberticide?

Un paysage de Havre-aux-Maisons.

Le Parti conservateur du Québec demande un débat de société à propos de la Passe Archipel. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Atteinte à la liberté de circulation, taxation abusive, mesure de contrôle : la redevance de 30 $ imposée aux visiteurs de passage aux Îles-de-la-Madeleine est accusée dans l’espace public de restreindre de manière déraisonnable et anticonstitutionnelle les droits fondamentaux. Qu’en est-il? Deux experts se prononcent.

Mercredi, une quarantaine d’opposants à la redevance ont manifesté aux Îles-de-la-Madeleine. Ils ont reçu l’appui du chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, pour qui cette redevance est une mesure liberticide qui brime la liberté de circulation.

Julius Grey, avocat constitutionnaliste, spécialiste reconnu dans la défense des libertés individuelles, apporte une réponse nuancée parce que la Passe Archipel et la réglementation mise en place par la Municipalité n’ont pas encore passé le test des tribunaux.

Est-ce que [cette redevance] est illégale? C’est impossible à prévoir, explique-t-il. L’avocat a des doutes sérieux quant à la validité de la réglementation mise en place par la Municipalité, mais elle n'est pas pour autant nécessairement liberticide.

La notion de liberticide va un peu loin. Il y a des choses qui le sont beaucoup plus, explique-t-il, en rappelant les restrictions à la circulation mises en place durant la pandémie de COVID-19.

Me Julius Grey arrivant à la Cour supérieure du Québec avec des documents.

L'avocat Julius Grey

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Des questions se posent toutefois, selon lui.

La première est de savoir si la Municipalité a, en droit administratif, une délégation de pouvoirs suffisamment claire pour permettre des restrictions d'accès et la distinction entre résidents et non-résidents. Ce n'est pas forcément évident, indique-t-il.

Concernant le montant de 30 $, la question est de savoir s’il s’agit d’une barrière sérieuse à la circulation, selon lui.

Il y a une belle expression en droit constitutionnel canadien : la substance. Est-ce que, substantivement, ce règlement empêche l'accès ou est-ce que c'est une petite taxe? Si on mettait une taxe absolument prohibitive – 10 000 $, par exemple – pour entrer aux Îles, ce serait clairement une interdiction d’entrée.

Si on parle de 30 $, ce n’est peut-être pas prohibitif, mais il faut l’étudier.

Une citation de Julius Grey, avocat

Des agents de la Municipalité vont procéder à la vérification du paiement de la redevance et pourraient demander une preuve de résidence aux Madelinots lorsqu’ils quittent le territoire, ce qui est décrié par les opposants à la mesure.

Julius Grey rappelle qu’une pièce d’identité est demandée pour recevoir des soins médicaux. On demande la preuve de résidence pour toutes sortes de choses, indique-t-il.

L’article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés

La redevance qu’a mise en place la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine ne constitue pas une entrave à la liberté de circulation telle que définie dans la Charte canadienne des droits et libertés. C’est ce qu’indique Charles-Emmanuel Côté, professeur de droit à l’Université Laval, expert en droit constitutionnel qui s’intéresse particulièrement aux questions de liberté de circulation.

Le professeur Côté explique que l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui traite de la liberté de circulation, protège notamment le droit à la circulation entre provinces.

Le motif qui est interdit, c’est la distinction fondée sur la résidence provinciale, explique-t-il.

Charles-Emmanuel Côté.

Charles-Emmanuel Côté, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval

Photo : Radio-Canada

Par exemple, une redevance qui viserait seulement les citoyens canadiens qui ne vivent pas au Québec pourrait être, elle, inconstitutionnelle, selon lui.

La mesure mise en place aux Îles-de-la-Madeleine ressemblerait alors davantage aux tarifs différenciés qu'une Municipalité demande pour des services en fonction de la résidence de l'usager.

Ça n’établit pas une discrimination fondée sur la résidence provinciale, ça établit une discrimination entre les insulaires et tous les autres, qu’ils soient étrangers ou canadiens. Dans ce cas, ça ne semble pas porter atteinte à la liberté de circulation qui est protégée par l’article 6 de la Charte, explique-t-il.

Tout de même, il reste certaines questions concernant la liberté de circulation intraprovinciale, selon lui.

Là où il y a une petite zone d'ombre, c'est sur une circulation simplement pour le plaisir de circuler, c'est-à-dire à des fins touristiques, récréatives, de loisirs. La jurisprudence est floue sur cette question, indique-t-il.

Débat de société demandé

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, invite l'Assemblée nationale à se prononcer sur la Passe Archipel.

Selon lui, la mesure crée un dangereux précédent et pourrait être copiée par d'autres municipalités, créant ainsi plusieurs tarifs pour circuler sur le territoire québécois.

Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est que ça crée un dangereux précédent. Ce n’est pas le genre de Québec qu’on souhaite avec de plus en plus de barrières, explique-t-il.

La Municipalité des Îles-de-la-Madeleine tiendra une séance publique d'information le 16 mai pour répondre aux questions de la population.

Avec la collaboration d'Isabelle Larose

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