Le gang Bishnoi serait lié au meurtre d’un leader sikh à Surrey
Les Karan Brar (à gauche), Kamalpreeet Singh (au centre) et Karanpreet Singh (à droite), sont accusés de meurtre au premier degré et de complot en vue de meurtre en lien avec la mort du leader sikh Hardeep Singh Nijjar à Surrey, Colombie-Britannique, en juin 2023.
Photo : L’Équipe intégrée d’enquête sur les homicides
Les trois suspects arrêtés le 3 mai et accusés de meurtre au premier degré et de complot en vue de meurtre à la suite de la mort du militant sikh Hardeep Singh Nijjar — Karan Brar, Kamalpreet Singh and Karanpreet Singh — seraient tous liés au gang de l'Indien Lawrence Bishnoi, selon des sources proches de l'enquête sur l'affaire Nijjar.
Aucune des accusations portées contre les trois hommes n'a encore été prouvée en cour, et les accusés n'ont toujours pas déposé leur réponse à l'accusation.
Selon des sources policières canadiennes, le gang Bishnoi s’est implanté en Amérique du Nord au cours des dernières années, alors que son fondateur, Lawrence Bishnoi, est incarcéré en Inde depuis 2014. D'autres entités criminelles du Pendjab et de l'Haryana, des États du nord de l'Inde, se seraient aussi répandues en Amérique du Nord, précisent ces sources.
Hardeep Singh Nijjar (au centre) a été tué par balles à proximité du temple sikh de Surrey, en juin 2023. Il militait pour la création de l'État indépendant du Khalistan, qui comprendrait notamment le Pendjab, une région de l'Inde à majorité sikhe. (Photo d'archives)
Photo : CBC / Ben Nelms
Les gangsters du Pendjab font du rap sur YouTube, exhibent des armes et des véhicules sur Instagram, ou profèrent des menaces sur Facebook. Ils peuvent tuer en réponse à un morceau de musique d'un rival, ou encore se venger si un tabou religieux est profané, comme l’aurait fait le gang Bishnoi à l'encontre de l'une des vedettes de cinéma les plus célèbres de l'Inde (Nouvelle fenêtre), selon The Guardian (en anglais).
Leur violence s’inspirerait en partie des codes d'honneur et de vendetta des villages de l'Inde, mais elle est surtout motivée par des considérations politiques ou commerciales. Les médias indiens expliquent que la contrebande de drogue et l'extorsion seraient les principales sources de revenus des gangs, aussi bien dans leur pays d'origine qu'à l'étranger.
Selon les médias indiens, Lawrence Bishnoi aurait commencé sa carrière criminelle alors qu'il était étudiant à l'Université du Pendjab. Il agissait alors avec Satinderjeet Singh, plus connu sous le nom de Goldy Brar. Tous les deux étaient fils de policiers et engagés dans la politique étudiante.
Le gang a su profiter de la crise de la toxicomanie qui sévit au Pendjab. La consommation d'héroïne afghane a aujourd’hui laissé la place à des pilules d’opioïdes de type nord-américain (Nouvelle fenêtre), comme le relate The Indian Express (en anglais).
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Contrebande et extorsion
Ce réseau aurait rapidement développé ses activités d'extorsion au Canada, selon l'ancien chef de police de West Vancouver, Kash Heed.
L'ancien chef de la police de West Vancouver, Kash Heed, affirme que des millions de dollars auraient été extorqués en Colombie-Britannique par des réseaux liés à l'Inde.
Photo : Radio-Canada / CBC News
D'après ce que j'ai compris, le contact se fait par l'intermédiaire d'une ligne téléphonique internationale
, explique Kash Heed, qui a également occupé les fonctions de ministre de la Sécurité publique et de solliciteur général de la Colombie-Britannique. Des hommes d'affaires aisés d'Asie du Sud sont ciblés, qu'ils soient dans l’industrie, l'immobilier ou le secteur de la construction.
Les premiers appels ressemblent davantage à une rencontre amicale. C’est généralement vers le troisième appel qu’il y a des menaces de violence et une demande d'argent.
« Des liens avec le milieu de la justice en Inde »
Selon Kash Heed, les extorqueurs revendiquent souvent des liens avec les forces de l'ordre. Il n'y a pas seulement un lien avec le groupe criminel organisé connu en Inde sous le nom de Bishnoi. Il y a aussi des liens avec le milieu de la justice en Inde, qu'il s'agisse de la police ou du ministère public.
L’ancien ministre estime que des millions de dollars auraient été extorqués en Colombie-Britannique. Certaines victimes auraient reçu des lettres prétendument envoyées par le gang Bishnoi.
Il s’agit peut-être d’imitateurs
, affirme Kash Heed. Ce dont nous sommes sûrs, c’est que la plupart des personnes qui ont fait le travail de terrain, qui ont proféré des menaces, sont arrivées ici dans le cadre d'une politique d'immigration en provenance de l'Inde et qu'elles avaient sans doute des liens étroits avec leur pays d'origine.
Ils ont sans doute bien appris leur leçon, car ils connaissent les activités des individus qu’ils ciblent, ici au Canada. [..] Ils savent également s'ils ont des membres de la famille ou des biens en Inde, en particulier dans l'État du Pendjab, d'où sont originaires bon nombre de ces personnes.
Je suis fermement convaincu qu'un grand nombre de ceux qui disent appartenir [au gang] Bishnoi n'ont aucun lien avec ce groupe criminel organisé
, ajoute Kash Heed, précisant tout de même que certains d'entre eux ont une relation ou un lien avec celui-ci
.
Un possible lien avec un meurtre à Winnipeg
Les enquêteurs canadiens cherchent activement les liens possibles entre le meurtre de Hardeep Singh Nijjar et un autre meurtre commis à Winnipeg le 20 septembre 2023.
La victime, Sukhdool Singh Gill, appartenait au gang de Devinder Bambiha, un gang rival de celui de Bishnoi. Il était aussi un sympathisant khalistanais. Il figurait d’ailleurs sur une liste de terroristes
du gouvernement indien la veille de son assassinat.
Dans une publication sur Facebook mise en lumière par India TV (Nouvelle fenêtre) (en anglais), Lawrence Bishnoi a déclaré que Sukhdool Singh Gill était un toxicomane. Il affirme également que sa mort était une vengeance pour divers meurtres commis pour des motifs où se confondent le crime et la politique.
Conséquence du « laxisme du Canada », dit l'Inde
Après l’arrestation de trois de ses ressortissants à Edmonton vendredi, l’Inde a déclaré que leur présence sur le sol canadien était le résultat du laxisme du Canada.
Le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a reproché au Canada la présence sur son sol de « criminels recherchés » par l'Inde. (Photo d'archives)
Photo : AP / Alexander Nemenov
Samedi, dans l'État d'Odisha, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a déclaré : Quelqu'un a peut-être été arrêté là-bas, la police a peut-être mené une enquête, mais le fait est qu'un certain nombre de membres de gangs ayant des liens avec le crime organisé du Pendjab ont été accueillis au Canada.
Il a ajouté que l'Inde avait averti le Canada qu'il accueillait des criminels recherchés en Inde
.
Vous leur avez donné des visas, vous les avez laissés venir, alors que beaucoup d'entre eux avaient de faux papiers. [...] Si vous décidez d'accueillir à des fins politiques des personnes aux antécédents très douteux, voire très négatifs, il y aura des problèmes.
Le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, a refusé, lundi, de commenter le statut d'immigration des membres du groupe d'assassins présumés, rappelant que l'enquête policière est en cours.
Le ministre indien des Affaires étrangères a le droit d’avoir son opinion
, a-t-il déclaré. Elle n'est tout simplement pas exacte.
Avec les informations d’Evan Dyer