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Les champignons sauveront-ils la planète? Paul Stamets y croit

Les champignons sauveront-ils la planète? Paul Stamets y croit

Un texte de Maxime Poiré

Publié le 20 octobre 2023

Paul Stamets croit en l’extraordinaire potentiel des champignons. Ils peuvent protéger les abeilles, dépolluer des sites contaminés et même ​nous aider à lutter contre les pandémies, soutient-il.​ Rencontre avec un mycologue américain passionné et controversé, aussi homme d’affaires hors norme.

Le décor est féérique. D’immenses arbres centenaires nous entourent. Nous sommes au cœur d’une forêt ancienne, sur une île au milieu de la baie Désolation, en Colombie-Britannique.

C’est ici que Paul Stamets séjourne plusieurs mois par année depuis plus de 30 ans.

Au milieu de sa vaste forêt expérimentale de 160 acres, ce mycologue autodidacte nous accueille pour discuter de sa passion.

« J’étudie les champignons depuis que j’ai 14 ans et je ressens l’obligation et le devoir de protéger la planète et les écosystèmes. Je suis un amoureux de la nature, de la science et je suis quelqu’un de très spirituel. Ce que j’aime, dans ma vie, c’est que la science et la spiritualité convergent. »

— Une citation de   Paul Stamets
Plan rapproché de Paul Stamets.
Paul Stamets est un mycologue et un homme d’affaires américain très suivi sur les réseaux sociaux. Photo : Radio-Canada

Quand on lui demande s’il est possible que les champignons changent le monde, il répond sans hésitation : Les champignons changent le monde. Ce n'est pas juste possible. Ça se passe maintenant.

Ce qui l’intéresse par-dessus tout, c’est la mycologie appliquée. Celle qui peut nous aider concrètement, en cette époque de grands bouleversements.

Nous sommes à un moment critique de la vie sur Terre et nous devons trouver de toute urgence des solutions, qui impliquent les champignons. Nous pouvons les utiliser pour résoudre plusieurs problèmes, comme les changements climatiques, la faim, la biosécurité. À mon avis, c’est comme un immense réservoir de solutions prêtes à être déployées.

Si seulement les humains pouvaient se réveiller!

Des champignons aux multiples usages

En marchant dans la forêt, il parle de la santé des humains et de ses recherches sur un champignon rare : l’agarikon, aussi connu sous le nom de polypore du mélèze.

Le mycologue nous explique qu’il a consacré la majeure partie de sa vie à étudier cette espèce qui ne pousse que dans les forêts anciennes et qui est utilisée depuis des milliers d’années pour ses vertus médicinales.

Ce champignon a des propriétés très intéressantes. Il aide, par exemple, le système immunitaire des animaux à combattre les virus. Je ne saurais trop insister sur son importance parce qu’il s’attaque aux virus de la grippe, de l'herpès et de la variole, avance-t-il.

Il estime que ce champignon pourrait maintenant être utile pour lutter contre les nouvelles pandémies.

Avec mon équipe, nous avons choisi l’agarikon comme l’espèce que nous devrions tester auprès des patients infectés par la COVID. Est-ce que ça pourrait aider pour les vaccins? Pour réduire les symptômes? Ce sont des questions très importantes.

Paul Stamets ne s’arrête pas là. Au fil des années, il a mené quantité de recherches pour résoudre des problèmes à l’aide des champignons.

Il s’est entre autres intéressé avec succès à la décontamination des sols pollués par des hydrocarbures.

Paul Stamets, qui porte une tenue d'apiculteur, dépose des gouttes de liquide sur une ruche.
Paul Stamets a démontré dans une étude que l’extrait de mycélium de reishi pouvait combattre certains virus qui affectent les abeilles. Photo : Radio-Canada

À l’orée de sa forêt, le mycologue nous amène voir un petit rucher qu’il utilise pour des expériences sur les abeilles.

Une de mes plus grandes contributions à la science est ma découverte concernant l’extrait de mycélium du champignon reishi, originaire de l'Ontario, qui affaiblit les virus néfastes pour les abeilles.

Il a publié dans la revue scientifique Nature les résultats de cette étude (Nouvelle fenêtre), menée en collaboration avec des scientifiques de l’Université d’État de Washington.

Cet article a retenu beaucoup d’attention parce que, pour la première fois, nous montrions qu’un extrait naturel diminue les virus mieux que n’importe quel produit pharmaceutique.

C'est incroyable! dit-il. On croit que ce champignon peut aider à surmonter l’effondrement des colonies d’abeilles et à protéger la biodiversité mondiale.

Le regard sérieux, il ajoute :

« Une bouchée de nourriture sur trois dépend de la pollinisation, alors sans les abeilles, notre système alimentaire s'effondre. »

— Une citation de   Paul Stamets

Le potentiel thérapeutique des champignons magiques

Des champignons.
Certains problèmes de santé mentale pourraient être traités avec l'ingrédient actif des champignons magiques, la psilocybine. Photo : Associated Press / PETER DEJONG

Pour Paul Stamets, la psilocybine n’est pas une drogue récréative, mais un véritable médicament.

Cette substance psychoactive, présente dans certains champignons, fait l'objet d'études dans de nombreux pays pour le traitement de divers troubles mentaux.

Des milliers de médecins savent que c’est l'un des médicaments les plus puissants jamais découverts. La question est maintenant de comprendre comment s’en servir de manière responsable.

Il ajoute que le Canada est à l'avant-garde quant à l'utilisation thérapeutique de la psilocybine.

Le modèle canadien consiste en une thérapie de groupe d'individus partageant un problème commun : l'alcoolisme, la dépendance aux opioïdes, la fin de vie. Avec une bonne thérapie, les changements observés sont indéniables, soutient-il.

C'est une vague qui se produit! Ceux qui n’en ont pas entendu parler, prêtez l’oreille! Suivez la science.

Paul Stamets et le mycélium

Un chapeau posé à plat, dont la texture fait penser au suède.
L'un des chapeaux emblématiques de Paul Stamets faits à partir du champignon amadou. Photo : Radio-Canada / Maxime Poiré

Paul Stamets est né en 1955 en Ohio. Ce mycologue au chapeau fait de champignon est suivi sur les réseaux sociaux par des centaines de milliers de personnes aux quatre coins du globe.

Il est passé dans la culture populaire en 2017 quand la série Star Trek : Discovery a créé un personnage à son nom : le lieutenant Paul Stamets, astromycologue.

En 2019, le documentaire Fantastic Fungi, diffusé sur Netflix, l'a révélé à un plus large public. Il y abordait la théorie selon laquelle les arbres s’échangent des nutriments et communiquent entre eux grâce à un réseau souterrain de champignons : le mycélium.

Impossible de rencontrer Paul Stamets dans sa forêt sans parler du mycélium.

Au détour d’un arbre majestueux, il s’agenouille près d’un tronc en décomposition. D’un geste assuré, il le renverse pour nous montrer ce qui ressemble à une toile d’araignée blanche recouvrant le sol.

Des filaments ramifiés dans de la terre.
Le mycélium, l'appareil végétatif des champignons, est parfois appelé «blanc de champignon». Photo : iStock

Voici le mycélium! Il est silencieux et semble invisible, mais il est partout! s'exclame-t-il.

Paul Stamets est convaincu que ce vaste réseau relie tous les écosystèmes.

L’idée du mycélium en ce qui concerne la communauté – sa multidirectionnalité, les arbres qui s’échangent des nutriments par ces réseaux souterrains –, c’est une leçon importante que les humains peuvent tirer de la nature.

Cette théorie est cependant loin de faire l’unanimité.

Certains des plus grands écologistes forestiers de la planète, dont le professeur québécois Christian Messier, réfutent cette approche dans une étude récente publiée dans ScienceDirect (Nouvelle fenêtre). Ils mettent en garde la population contre la tentation de prêter des caractéristiques humaines aux arbres.

Les deux hommes sont assis sur un banc.
Le journaliste Maxime Poiré, de « La semaine verte », discute avec Paul Stamets. Photo : Radio-Canada

Des critiques et des réponses

Paul Stamets est le propriétaire de Fungi Perfecti, une entreprise qui fabrique des suppléments à base de champignons. Au fil des années, ses statuts d’homme d’affaires et de mycologue autodidacte lui ont souvent attiré des critiques.

Certains disent : "Paul n’est pas un vrai scientifique", convient-il, avec émotion.

Il y a des coups bas de la part de gens qui étiquettent quelqu'un et qui évitent la pensée critique. Mais j'aime la pensée critique et être emmené au tapis, défié par d'autres scientifiques.

« C'est la méthode scientifique qui doit nous guider. Ce qui est important, c'est de garder sa propre vision, d'avancer avec passion. Expérimentez, testez, prouvez, échouez, réussissez. Repoussez les limites de la science et laissez-la diriger. »

— Une citation de   Paul Stamets

Il dit aimer remettre en question les idées reçues, non sans conséquence. Ça m'a valu pas mal de mépris.

Mais il persiste et signe.

Je suis à mon propre compte et je ne me soucie pas de perdre mon emploi, souligne-t-il. Je peux être différent sans être obligé d'avoir toujours raison, mais je dois essayer. Si je fais de mon mieux et que j'échoue, j'aurai au moins fait de mon mieux.

Combien de personnes ont peur de la critique, choisissent le confort et évitent de repousser les limites? Parce que j’ai repoussé celles de la science, j'ai fait des découvertes assez étonnantes.

Protéger la forêt pour sauver la planète

Paul Stamets semble tout petit au milieu d'arbres immenses.
Paul Stamets qualifie les forêts anciennes de «bibliothèques génomiques». Photo : Radio-Canada

Paul Stamets milite pour conserver les forêts anciennes mises à mal par l’exploitation sylvicole et les changements climatiques.

Il est essentiel, selon lui, de préserver le potentiel encore méconnu des champignons qu’on y trouve.

Les forêts anciennes sont des bibliothèques génomiques au potentiel énorme. L’agarikon n'est qu'un exemple de ce qu’on y trouve. Détruire ces forêts, c’est détruire cette bibliothèque génomique.

Malgré tout, il demeure optimiste : La nature est très résiliente et apte à se remettre des catastrophes.

« C’est un moment critique pour faire un choix en tant qu'espèce : pérenniser l’écosystème qui nous donne naissance ou le détruire? C'est une décision assez binaire. Détruire cet écosystème, c’est signer notre arrêt de mort. »

— Une citation de   Paul Stamets

Des solutions existent, insiste-t-il, en parlant notamment du mycélium, et c’est à nous de les utiliser.

C'est pourquoi je pense que les champignons vont sauver le monde.

Le reportage de Maxime Poiré et Simon Giroux a été présenté à l'émission La semaine verte sur ICI Télé samedi à 17 h et dimanche à 12 h 30 ainsi que sur ICI RDI dimanche à 20 h.

Le reportage de Maxime Poiré et Simon Giroux Photo : Radio-Canada

Un document réalisé par Radio-Canada Info

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