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Prestations invalidité : la pénalité de Retraite Québec devant le tribunal

Un fauteuil roulant.

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Prestations invalidité : la pénalité de Retraite Québec devant le tribunal

Vous suivez le dossier des pénalités que Retraite Québec impose aux personnes invalides? Sachez que la prochaine étape arrive bientôt. Au cours de la première semaine de mai, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) entendra les plaidoiries des avocats représentant cinq demandeurs dans le dossier. Si le tribunal respecte les délais habituels, une décision devrait être connue vers août ou septembre prochain.

En 2020, La facture a raconté l’histoire de Richard McLean, un ex-camionneur devenu invalide à 50 ans. À 65 ans, ce dernier a vu sa rente de retraite amputée parce que Retraite Québec considérait qu’il avait pris une retraite anticipée dès 60 ans et lui appliquait donc une pénalité similaire à celle des autres travailleurs en préretraite. Pour certains retraités en situation d’invalidité, cette pénalité pouvait atteindre jusqu’à 36 % de leurs prestations.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait d'ailleurs estimé en 2017 que cette pénalité est discriminatoire lorsqu’elle est appliquée aux prestataires d’une rente d’invalidité. Elle avait alors recommandé au gouvernement d'abroger la disposition. Ses recommandations n’ont toutefois pas force de contrainte et Retraite Québec a maintenu la pénalité.

Au cours des cinq dernières années, cinq retraités, dont Richard McLean, ont contesté cette pénalité devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ). Les dossiers ont éventuellement été joints. C'est ce tribunal qui devra ultimement déterminer si la pénalité est discriminatoire.

Le 5 décembre dernier, le TAQTribunal administratif du Québec a tenu des audiences pour entendre les témoignages des cinq dossiers. Richard McLean étant malheureusement décédé en 2022, sa veuve, Danielle Drolet, ainsi que son fils ont pris le relais. Dans son témoignage, Madame Drolet a notamment fait valoir que les recours s’étirent au point que des bénéficiaires des rentes, tel que son mari, ont le temps de mourir avant d’en voir la conclusion.

L’OSBL Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc) a également fait entendre des membres. « On a démontré la discrimination fondée sur le handicap et sur l’âge ainsi que l’appauvrissement en raison de la pénalité », rapporte l’organisatrice communautaire de MÉMO-Qc, Anabelle Grenon Fortin.

Au cours de la première semaine de mai, ce sera au tour des avocats de présenter leurs plaidoiries, notamment Me Sophie Mongeon, Me Julius Grey et Me André Laporte, tous trois au nom de leurs requérants respectifs. Retraite Québec et le Procureur général du Québec feront également entendre leurs avocats. Et finalement, la Commission des droits de la personne a obtenu l’autorisation d’intervenir dans cette cause.

L'horaire des plaidoiries devant le TAQ en mai prochain.

Une nouvelle donne pour les requérants

Les avocats des demandeurs ont dû composer avec une nouvelle donne, celle d’une pénalité réduite par rapport à celle qui existait lors du dépôt de la requête originale. En effet, en janvier 2022, Retraite Québec a fait passer la pénalité maximale à 24 % des prestations. Dans la même loi, le gouvernement éliminait un article de la Loi sur le régime de rentes du Québec qui était justement visé dans la contestation devant le TAQ. Dans leur première requête, les avocats des demandeurs faisaient valoir que cet article était incompatible avec les chartes canadienne et québécoise en matière de droits de la personne.

Malgré le changement législatif, les demandeurs ont maintenu leur recours.

« On ne peut pas cacher que l’appauvrissement est moindre », concède l’organisatrice communautaire de MÉMO-Qc, Anabelle Grenon Fortin. « Mais ça ne change rien au caractère discriminatoire de la pénalité. Tous les critères liés au caractère discriminatoire tel que le veulent les chartes sont remplis, peu importe les pourcentages. » Ce changement législatif a quand même obligé MÉMO-Qc à déposer une nouvelle procédure.

Même son de cloche du côté de Me Sophie Mongeon qui représente trois des cinq demandeurs dont M. McLean. « Nous tenterons de démontrer que l’effet de cette pénalité, même si elle est réduite depuis les modifications, fait en sorte que les gens se retrouvent avec une diminution importante de leurs revenus à l'âge de 65 ans sans compter que nous sommes la seule province qui arrête la rente d’invalidité à 65 ans pour la remplacer par une rente de retraite. »

Si le Tribunal administratif du Québec respecte les délais habituels, une décision devrait être connue vers août ou septembre prochain. Il est possible ensuite que la décision soit portée en appel par une des parties. Le dossier pourrait encore prendre des mois, voire des années.

Une demande d’action collective en parallèle

En parallèle au recours devant le TAQTribunal administratif du Québec, une demande d’action collective contre Retraite Québec est devant la Cour supérieure. Cette demande, déposée en novembre 2020, est pilotée par un autre cabinet d'avocats. Elle avait pour représentant Richard McLean.

Pour le moment, ce recours est mis de côté en attendant que le Tribunal administratif du Québec rende sa décision. En effet, la Cour supérieure a renvoyé la question au TAQTribunal administratif du Québec, concluant que c’est à ce tribunal de déterminer si oui ou non la pénalité est incompatible avec la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

La décision prochaine du TAQTribunal administratif du Québec pourrait donc avoir un impact sur la demande d’action collective. « Si la décision du TAQ conclut que la pénalité imposée est discriminatoire, la Cour Supérieure pourrait être saisie d’un recours pour dommages punitifs pour l’ensemble des gens qui n’ont pas fait de recours individuel », espère Me Mongeon.

Des pressions pour modifier la loi

MÉMO-Qc espère que les tribunaux rendront des décisions en faveur des personnes en situation de handicap. Mais l’expérience de ces recours devant la justice amène l’organisme à une conclusion. « Il y a un risque que le judiciaire ne suffise pas et qu’il faut une modification législative pour annuler la pénalité telle qu’elle existe maintenant », estime désormais Mme Grenon Fortin.

Dans un communiqué, MÉMO-Qc a récemment dénoncé « le peu d'intérêt du gouvernement pour les enjeux auxquelles font face les personnes en situation de handicap ». La Commission des finances publiques a tenu en février des consultations publiques sur le Régime de rentes du Québec (RRQ) pour la révision périodique prévue aux six ans. Or, déplore Mme Grenon Fortin, aucun des groupes représentant les personnes en situation de handicap ont été invités à y témoigner en audience, bien qu’ils aient déposé un mémoire.

Dans son mémoire, MÉMO-Qc demande entre autres d’abolir les pénalités qui touchent les personnes invalides étant ou ayant été bénéficiaires de prestations d’invalidité du RRQ avant l’âge de 65 ans.

C’est également la requête de Me Sophie Mongeon et du groupe qu’elle a fondé, « Les invalides au front ». Le groupe a aussi déposé un mémoire devant la Commission, mais n’a pas non plus été invité aux audiences. Le groupe organise une manifestation le 1er mai prochain à Montréal, en collaboration avec la CSN et deux autres organisations pour la défense des personnes handicapées.


La facture continuera à suivre le dossier.


Journaliste : François Sanche
Journaliste à la recherche : Isabelle Roberge

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