On dit de M. Leblond qu'il est un peu fou d'avoir créé son jardin d'aliments inusités aux Éboulements. « Ma boutade habituelle, s'exclame-t-il, c'est de répondre que le pays de Charlevoix est tellement beau que je devais trouver une façon d'y gagner ma vie pour ne plus en sortir. Après celle des yeux, ma deuxième gourmandise est celle du ventre. J'avais le goût de faire des légumes qu'on ne retrouvait pas au Québec à l'époque. »

« Je fais essayer des légumes aux chefs, et ceux-ci me font aussi des suggestions. Parfois, il en arrive un avec une enveloppe de semences, et qui me dit "Jean, veux-tu me produire cela?" Voici un légume qu'un chef m'a demandé de lui produire. »

Le jardin de M. Leblond n'est cependant pas ouvert au public. « Notre endroit permet au public de découvrir des légumes grâce aux bons restaurants qui les servent. Une demande se crée ainsi. Mais lorsqu'elle se crée, je me retire du décor, parce que mon laboratoire ne peut fournir suffisamment de légumes. D'autres doivent prendre le relais. »

Qu'est-ce qui guide ses choix? « J'ai des coups de cœur, répond-il, mais aussi des valeurs sûres. Par exemple, ce mini-poireau. Il est très petit en ce moment, mais il sera bientôt planté en champ, en rangs très serrés. »

« Je dis souvent que quand je conduis mon tracteur, je regarde les légumes et je les vois dans mon assiette. J'ai hâte de les manger! Avant de faire des légumes, je faisais de l'agneau. Je les soignais très bien et je disais la même chose : "J'ai tellement hâte de vous manger!". Mais je ne devrais peut-être pas dire ça! », s'exclame le jardinier en riant.

Jean Martin a l'impression, en contemplant le jardin de M. Leblond, d'y voir un tableau, comme ceux que peignent les nombreux artistes de la région de Charlevoix. « Je trouve le jardin particulièrement réussi cette année, reconnaît M. Leblond. C'était probablement l'une de mes dernières années de planification générale du jardin, des formes et des couleurs. »

Dans quel coin du jardin poserait-il sa « signature »? M. Leblond n'a pas de réponse : « Ça fait prétentieux de dire que je suis trop humble pour trouver un coin, mais... j'ai essayé toute ma vie de m'intégrer à la nature, jusqu'à m'y fondre et disparaître. Alors je ne sais pas où seraient mes "centres", dans le jardin. Je ne sais pas quoi répondre. Je crois que ce que j'ai fait de plus formidable dans ma vie, ça a été de m'insérer dans le cosmos! (rires) »