Le
prix des aliments varie-t-il selon l'endroit où on
fait son épicerie, oui ou non? Stéphane Maisonnas,
du Département de stratégie des affaires à
l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, croit
que oui. « Les prix vont certainement varier en
fonction de trois éléments, dit-il : la
concurrence, les coûts de mise en marché et les
quantités achetées. D'abord, la concurrence :
plus il y a de concurrents, plus le prix aura tendance à
baisser. Ensuite, les coûts de mise en marché :
plus il est cher de mettre en marché un produit (on
peut penser au transport, à l'entreposage du produit),
plus le prix risque d'augmenter. Enfin, les quantités
achetées, donc le marché : si vous achetez
des grandes quantités, vous pouvez peut-être
plus facilement négocier des prix avec vos fournisseurs,
donc faire diminuer les prix. »
La concurrence est moins forte
en région, le coût du transport est plus élevé,
les quantités sont moindres... en principe, les prix
devraient donc être plus élevés en région.
Pour
sa part, Jacques Nantel, professeur titulaire aux HEC Montréal,
ne le croit pas : « Il y a toujours cette
présomption de dire que si on est, par exemple, dans
le bas du fleuve, les aliments ont dû voyager et se
rendre jusque là, donc il y a sûrement un coût
inhérent. En fait, la logistique de distribution est
particulièrement efficace maintenant. On demande de
plus en plus aux fournisseurs et aux manufacturiers de livrer
soit dans des entrepôts, mais de plus en plus directement
au magasin, à un coût équivalent ou à
un coût égal partout."
Pour
en avoir le cur net, nous avons parcouru 600 km
et acheté les mêmes produits dans des marchés
d'alimentation de Montréal, Lévis, Rivière-du-Loup
et Trois-Pistoles. Surprise : notre petite épicerie
coûte presque la même chose partout!
Comment cela se fait-il ? « Dans les dernières
années, les détaillants ont gagné énormément
de pouvoir, estime M. Nantel. Ils sont capables d'imposer
leurs conditions aux manufacturiers. De sorte que dans la
plupart des cas, la façon dont ça se négocie,
c'est, pour un grand détaillant (Provigo, Métro,
Sobeys/IGA), de dire au manufacturier : "Si
vous voulez vendre dans l'ensemble de nos magasins, vous devrez
avoir un prix (qu'on appelle "FOB", c'est-à-dire
un prix fixé), avec telles conditions, à tel
niveau". Autrement dit, de plus en plus, le pouvoir des
détaillants fait en sorte que c'est le manufacturier
qui doit absorber le coût de la livraison à travers
le réseau. »
Mais pourquoi les gens que nous avons rencontrés en
région prétendent-ils quand même payer
leur épicerie plus chère qu'à Montréal?
« Dans certains cas, poursuit M. Nantel, ça
peut être vrai, mais dans la majeure partie des cas,
les analyses démontrent le contraire. Ça dépend
de ce qu'ils achètent, mais en grande partie, je pense
que ça tient un peu d'une perception ancienne d'une
situation qui change. »
Avant le début
des années 1980, le Québec
était divisée en différentes
zones économiques. Le prix des produits
était déterminé en fonction
de chaque zone. Aujourd'hui, la province est
devenue une seule et même zone.
Malgré tout,
vous retrouverez des écarts de prix.
La différence apparaît surtout
en saison, lorsque l'épicier achète
des fruits et légumes d'un producteur
local. Ces fruits et légumes sont moins
chers. Mais il s'agit d'une petite production.
Il faut savoir que 80 % des fruits et 60 %
des légumes qu'on retrouve sur les tablettes
de nos épiceries sont importés
et soumis à la politique de prix unique
des grandes enseignes.
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