Malgré la popularité des biscuits Oreo, leurs fabricants ont connu en 2003 des moments difficiles. En mai, un avocat californien déposait une poursuite contre Kraft Nabisco pour interdire le marketing et la vente aux enfants de ces biscuits.

La poursuite alléguait que les gras trans, présents dans les biscuits Oreo, constituaient un risque pour la santé des enfants parce que leur emballage ne précisait pas la quantité de mauvais gras contenus dans ces biscuits. La nouvelle a fait l'effet d'une bombe : l'Oreo devenait un symbole de la lutte contre les mauvais gras.

Benoît Lamarche, professeur au Département de nutrition de l'Université Laval, compare l'huile liquide et l'huile rendue solide par hydrogénation :

Huile c. huile hydrogénée (shortening) L'huile « Cette huile est liquide, très bonne pour la santé. » Le shortening « On a hydrogéné l'huile pour la transformer en shortening. Le shortening est mauvais pour la santé. »

« Au niveau de l'impact sur la santé, résume M. Lamarche, c'est le jour et la nuit. L'huile est très bonne pour la santé, tandis que la capacité du shortening d'induire des changements dans le cholestérol est très néfaste. »

Nous suivons un couple à l'épicerie pour examiner certains de leurs achats. Ils choisissent une margarine. Pourquoi celle-là plutôt qu'une autre? Anne-Marie Desaulniers, la jeune femme du couple, explique : « La marque est connue, c'est Lactancia. Puis c'est écrit que c'est fait d'huile de soya. Pour moi, "soya", ça sonne santé. Je suis habituée avec le lait de soya, ça fait partie de ce que je connais. »

M. Lamarche émet une mise en garde : « Il ne faut pas se donner bonne conscience parce que c'est une margarine à base d'huile végétale. Si elle est hydrogénée, on vient de faire le mauvais choix. Plus la margarine est solide, plus elle est hydrogénée, plus elle contient des gras trans. Une margarine qui a la consistance du beurre est hydrogénée au maximum. Même si c'est écrit "huile de soya 100 % pure", quand cette huile est hydrogénée, elle est pleine de gras trans. »

Dans la margarine choisie par le couple, il y a 80 % d'huile de soya liquide et hydrogénée. Elle contient donc beaucoup de gras trans. « Je ne le savais pas, s'exclame Mme Desaulniers. Je ne savais même pas ce qu'étaient les gras hydrogénés. Ça ne fait pas partie de mon vocabulaire. »

Pourquoi les gras trans sont mauvais pour la santé

Les gras trans vont désormais faire partie de notre vocabulaire, comme c'est déjà le cas dans le monde médical. Car ils mènent tout droit à l'augmentation du cholestérol sanguin, comme nous dit M. Lamarche : « Le désavantage du gras trans par rapport au gras saturé, c'est qu'en plus de faire monter le mauvais cholestérol, il fait baisser le niveau de HDL, le bon cholestérol. Plus on consomme de gras trans ou de gras hydrogénés, plus notre cholestérol sanguin augmente. Des études épidémiologiques ont aussi montré que les gens qui consommaient beaucoup de gras trans dans leur diète étaient deux à trois fois plus à risque d'avoir un infarctus, voire une maladie cardiaque, cinq ou dix ans plus tard. »

Comme les gras hydrogénés ne sont présents dans notre alimentation que depuis 50 ans, ce n'est que maintenant que nous pouvons mesurer leurs effets sur notre santé. Aujourd'hui, nous savons qu'ils comportent des risques élevés.

Diane Decelles, chef de nutrition clinique à l'hôpital Sainte-Justine, nous dit qui est le plus à risque : « la population en général, mais surtout les enfants, parce qu'ils sont susceptibles de manger le plus de ces aliments ».

« Les jeunes sont très susceptibles d'en consommer des quantités importantes, confirme M. Lamarche. On pense que ça peut aller jusqu'à 10 g par jour, juste de gras trans, ce qui est énorme. Et si ces jeunes-là continuent d'en consommer, ils vont se retrouver avec des artères remplies de lipides à 35 ans et vont faire des infarctus plus tôt que nos parents. »

Comment reconnaître les gras trans

Où se cachent ces mauvais gras? L'équipe de L'épicerie a passé les allées du supermarché à la loupe afin de dénicher les produits qui en contiennent. Elle a rempli des paniers et des paniers de produits. Le gras trans est partout!

En fait, près de 4000 produits transformés contiennent des gras trans : des pâtisseries, des plats surgelés, des craquelins, des barres tendres... On peut les détecter simplement en lisant la liste des ingrédients.

M. Lamarche précise quels mots on doit surveiller : « Si on voit "acide gras hydrogéné", "huile hydrogénée", "huile partiellement hydrogénée", "gras trans" ou "shortening", on n'est pas en train de faire un bon choix alimentaire. En plus, si ces mots-là arrivent au début de la liste des ingrédients, ça veut dire que l'aliment en contient beaucoup par rapport aux autres ingrédients. »

De son propre aveu, notre couple n'arriverait pas à se priver de ces produits : « Ah non, vraiment pas! lance Mme Desaulniers. Parce que j'ai pas le temps moi, de cuisiner, de passer des journées entières à popoter, parce que je travaille. »

En 2006, il sera plus facile de choisir des aliments qui ne contiennent pas de gras trans, puisque leur quantité devra obligatoirement être indiquée sur les étiquettes nutritionnelles. Toutefois, Kraft Nabisco n'a pas attendu cette échéance pour réagir à la mauvaise publicité faite aux biscuits Oreo. Même si la poursuite a été retirée, la compagnie s'est engagé publiquement à diminuer la quantité de gras trans dans ses biscuits. On trouve maintenant certains biscuits Oreo qui en contiennent moins.

L'industrie commence bel et bien à s'adapter. En voici une autre preuve. À gauche sur cette photo, on voit des biscuits qui contiennent des gras trans; à droite, les même variétés de biscuits, mais de d'autres compagnies, sans gras trans. Il faut faire attention, car parfois la même compagnie fabrique deux produits presque identiques, l'un contenant des gras trans, et l'autre, non! La solution : lire la liste des ingrédients, rechercher les mots "shortening" et "huile hydrogénée". Si le produit en contient, laissez-le donc sur la tablette!

Le pouvoir des consommateurs

Les consommateurs sont vraiment la clé des choix alimentaires qui nous sont offerts, nous rappelle M. Lamarche : « Si les consommateurs décident d'éliminer ces produits de leur consommation, dans trois ou quatre ans, l'industrie les éliminera de sa production parce si le consommateur n'en veut plus, l'industrie n'en produira plus! »

Une autre solution au problème des gras trans, c'est de cuisiner un peu plus. Plus vous mangez de la nourriture maison, moins vous risquez de manger des gras trans!