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Émission du mercredi 11 août 2004 à 20 h
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La loi sur les heures d'ouverture des épiceries
[enquête du 12 février 2004]

La loi sur les heures d'ouverture limite à quatre le nombre d'employés dans les épiceries après 21 h la semaine et après 17 h la fin de semaine. Et ce, quelque soit la taille de l'épicerie. Cette loi, entrée en vigueur en 1992, soulève la colère de nombreux consommateurs.

De longues, longues minutes d'attente à la caisse... Plusieurs consommateurs s'en plaignent, comme Nicoletta Ungouriano : « Je trouve ça ridicule, une si grosse surface avec seulement quatre caisses ».

 


« On est obligé d'attendre, soupire pour sa part Marc Gill. On va souper tard. Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse, on ne peut pas faire grand-chose avec les lois du gouvernement. Mais on espère qu'un jour ils décideront de se "déniaiser". »

 


Cette loi avait pour objectif d'éviter une concurrence déloyale entre les dépanneurs, les petites épiceries de quartier et les grandes surfaces d'alimentation, nous dit Robert Lauzon, sous-ministre du Développement économique régional : « Il faut se rappeler que le Québec est le seul endroit en Amérique du Nord à comporter autant de petites épiceries et de dépanneurs. On en avait 15 000 il y a 10 ans. Il en reste environ 7000 à 8000. Et c'est encore plus du double de ce qu'on peut retrouver ailleurs en Amérique du Nord. C'est un système qu'on a essayé de protéger avec le temps. »


Mais c'était sans compter sur la multiplication des grandes surfaces et leur volonté d'accroître leurs parts de marché. Simon Langlois, professeur de sociologie à l'Université Laval, précise : « Le législateur pensait que les grandes surfaces resteraient fermées si on limitait le nombre maximum d'employés à quatre personnes, ce qui est le nombre de travailleurs dans les petites surfaces. Or les grandes surfaces ont décidé d'agir autrement. »

 

« Effectivement, reconnaît M. Lauzon, pour ces magasins-là, ouvrir avec quatre personnes veut dire des contraintes : des sections du magasin qui ne fonctionnent pas et une insatisfaction de la clientèle aux caisses. »

 

Louise Jarry, consommatrice, s'en plaint : « Tu ne peux pas acheter une certaine sorte de viande parce qu'il n'y en a plus au comptoir. Et tu ne peux pas en avoir d'autres parce les bouchers ne sont plus là. »

 


Le monde de l'alimentation a beaucoup changé depuis 1992. Pour survivre et faire plus de profits, les dépanneurs ont changé de vocation. Ils se sont regroupés et vendent maintenant du café, des beignes, quand ce n'est pas de l'essence.

 

De plus en plus de petites boutiques spécialisées d'aliments fins ont maintenant pignon sur rue. Mais ce sont surtout les petites épiceries de quartier qui sont les plus touchées par ces changements. Leurs parts de marché a chuté de 31,7 % en 1990 à 19,6 % en 1997. Les Wal Mart, Zellers et Jean-Coutu leur livrent aussi une féroce compétition avec leurs rayons de produits alimentaires.


Vers une société du travail

Devant ces changements, on peut se demander si la loi de 1992 sur les heures d'ouverture est toujours pertinente. Surtout que le monde du travail a, lui aussi, beaucoup changé. « Il y a quelques années, analyse M. Langlois, on s'imaginait qu'on s'en allait vers une société des loisirs, mais en réalité, on s'en va vers une société du travail. »

Maryse Bernard, consommatrice : « Ils pourraient penser aux nouvelles heures de travail des gens. Nous, nous venons ici tous les dimanches. Chaque fois, on attend longtemps. »

 


« On travaille de plus en plus à des heures variables, poursuit Mme Jarry. Je trouve que la loi n'a plus vraiment rapport. La fin de semaine, c'est souvent le seul temps qu'on a pour faire l'épicerie. »

 


L'Association des détaillants en alimentation représente près de 55 % des commerces de ce secteur. Pour plusieurs de ses membres, pas question de changer la loi. Certains proposent même de retourner en arrière et de fermer le dimanche.

Michel A. Gadbois, le président de leur regroupement, explique : « Les propriétaires vous diraient qu'ils n'ont pas fait de gain avec l'ouverture des commerces le dimanche. Pas du tout, au contraire. Les marges de profit sont encore plus basses parce que ça coûte plus cher gérer un magasin. Vous avez besoin du personnel plus longtemps. Les ventes ne sont pas plus hautes. Et vous ne mangez pas plus. Une personne va manger une quantité précise par semaine, pas beaucoup plus. Enfin, le Québec n'est ni plus riche, ni plus populeux qu'il était. Il faut penser à cet aspect-là. »

« On ne peut pas revenir en arrière pour une raison très simple, affirme M. Langlois : nous vivons dans une société marquée par la consommation. On n'aura pas le choix de travailler aux heures où sont disponibles les consommateurs. Dans le contexte actuel, le travail est assez exigeant. Les travailleurs font de longues heures de travail et, ne l'oublions pas, de longues heures de déplacement. »

« Je vous dirais que c'est très propre à la banlieue de Montréal, estime M. Gadbois. La plupart de mes membres disent que le problème n'est pas en région. »

« Ce n'est pas seulement un problème de banlieue, réplique M. Langlois. Pour une raison très simple : beaucoup de gens qui vivent en campagne ont les mêmes attentes et les mêmes exigences de consommation. »


« On est dans un monde actif 24 heures sur 24, dit M. Gill, un consommateur. Si ce n'était pas le cas, pas de problème. Mais dans ce cas-ci, il faut que tout le monde roule normalement et cette loi empiète sur le roulement normal des gens. Ça ne devrait même pas exister. »


« Je pense qu'il faudrait trouver de nouvelles façons de faire, croit M. Langlois. Je pense à l'expérience européenne. Les heures d'ouverture des commerces d'alimentation sont un peu décalées par rapport aux heures de travail. Beaucoup de commerces, sinon la plupart, ferment l'après-midi et rouvrent aux heures du retour à la maison, de 16 h à 19 h, ce qui donne le temps de faire les courses. »

Mais cette solution n'est pas pour demain. Les syndicats savent que leurs membres rechignent à faire des heures de travail brisées. Quant aux détaillants, leur association défend le statu quo. En fait, les seuls qui n'ont pas voix au chapitre sur cette question, ce sont les consommateurs.

« On doit être capable de faire une pétition, de parler au député du secteur! s'exclame une autre consommatrice, Denise Galarneau. Si tous les clients qui subissent ces contraintes mettaient la main à la pâte, je pense qu'on arriverait à faire comprendre notre point de vue. »

 

Le pouvoir des consommateurs

« Le consommateur est le moteur qui a animé tous les changements historiques au niveau de la loi, confirme M. Lauzon. C'est le consommateur qui fait qu'on a toujours ces discussions. Il est probablement mal représenté, il faut en être conscient. Il n'y a pas d'organisme qui s'exprime au nom des consommateurs dans ce débat. »


En terminant

Si vous désirez exprimer votre insatisfaction face à cette loi, vous pouvez vous adresser à l'Office de protection des consommateurs ou au ministère du Développement économique régional.

 

 Note

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Les catégories de boeuf
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Les frites surgelées
Les spaghettis et autres pâtes alimentaires
Les OGM dans les aliments
La loi sur les heures d'ouverture des épiceries
La réfrigération dans les épiceries
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La certification des aliments biologiques
Pour les enquêtes de la saison 2002-2003, consultez notre section «Archives»

 

 

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