Les allégations « sans sucre » [enquête du 29 janvier 2004]
Aux États-Unis, la chasse aux glucides
(les divers sucres) est à la mode. Les fabricants
l'ont compris et mettent plusieurs allégations concernant
les sucres sur leurs produits. Mais un produit portant la
mention « non additionné de sucre »,
n'est pas forcément moins calorique, nous apprend
cette enquête de L'épicerie.
Depuis
quelques années, les grands de l'alimentation ont fait
preuve de beaucoup d'imagination pour répondre aux
besoins nutritionnels des personnes qui surveillent leur poids
et leur consommation de sucre. Ils ont lancé toute
une variété de produits « légers »,
« non sucrés », « non
additionnés de sucre » et « sans
sucre ajouté ». Mais ces allégations
ne sont pas toujours claires. Parfois, même, elles prêtent
à confusion. Sont-elles vraiment garantes d'une alimentation
plus saine ou ne sont-elles qu'un outil de marketing? Il est
difficile de s'y retrouver.
Produit « léger »
Tout
d'abord, quand un fabricant indique sur un produit qu'il est
« léger », c'est qu'il contient
généralement moins de calories ou de gras que
son produit régulier.
Le
Dr Maurice Larocque, de la clinique Motivation minceur,
explique cette tendance : « L'industrie s'est
dit : "faisons des produits sans gras". Mais
par quoi remplacer les gras? L'industrie a choisi les sucres.
Et des sucres souvent raffinés. Alors on se retrouve
avec des produits sans gras, mais comportant un même
nombre de calories, ou très peu moins, et qui ont plus
de sucre. »
Par
exemple, la version légère du beurre d'arachides
contient environ deux grammes de gras en moins, mais deux
grammes de sucre en plus par cuillérée à
table. Le Dr Larocque commente : « On se donne
bonne conscience en se disant "j'ai pris un produit léger,
alors je peux me permettre de manger plus". C'est une
des attrapes, parce que depuis qu'on a ajouté les produits
légers dans notre société, depuis 15
ans qu'ils sont très populaires, il y a une recrudescence
de l'obésité excessivement importante. Alors
je pense que : un, les quantités sont plus grandes
et deux, ayant remplacé les gras par les sucres, on
se rend compte aussi que les gens ont plus faim, mangent plus,
consomment plus. »
Produit « non sucré »
Quand
c'est écrit « non sucré »,
ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de sucre du tout.
Prenons par exemple le jus de pomme « non sucré »
Oasis : il contient 16 g de sucre par portion de
175 ml. Pour la même portion, le jus de pomme « non
sucré » Del Monte en contient 18 g,
soit entre 4 et 5 cuillères à thé
de sucre. Mais il s'agit là du sucre naturel des
fruits.
Produit « sans sucre ajouté »
ou « non additionné de sucre »
On
parle ici du sucre raffiné. Geneviève Côté,
diététiste à Diabète Québec,
nous dit ce que signifie un produit qui porte la mention "sans
sucre ajouté" : « Ça veut
dire qu'on n'y a pas ajouté de sucre blanc ou un autre
aliment qui contiendrait du sucre blanc, de la cassonade,
du sirop ou de la mélasse, par exemple. Mais ça
ne signifie pas que l'aliment ne contient pas de sucre sous
forme naturelle, et ça ne signifie pas non plus qu'on
ne l'a pas sucré autrement, c'est-à-dire avec
des substituts de sucre. »
Pour reproduire le goût du sucre, l'industrie a en
effet développé au fil des ans de nombreux substituts
qu'on appelle les édulcorants. Les édulcorants
ont souvent un pouvoir plus sucrant que le sucre lui-même.
On les retrouve dans deux grandes familles : les sucres
de synthèse et les sucres alcool.
Dr Larocque
nous parle du premier groupe : « Il y a les
sucres de la famille de l'alcool. On pense au manitol, xylitol,
sorbitol... Alors je demande aux gens de bien lire les étiquettes.
Souvent, on va lire "sans sucre". Un produit sans
sucre, un bonbon sans sucre, une gomme à mâcher
sans sucre. C'est faux! On y trouve souvent des sucres de
la famille de l'alcool. Ces sucres-là fournissent un
petit peu moins de calories que la même quantité
de sucre blanc, mais ils ont aussi un effet sur le corps.
Il faut donc se méfier quand on dit "sans sucre
ajouté". »
Les
sucres alcool sont faciles à reconnaître.
Ils s'appellent xylitol, maltitol, mannitol, sorbitol,
isomalt, lactitol. Même si, au sens de la loi, ils
ne sont pas considérés comme des sucres, ils
contiennent quand même jusqu'à 85 % des
calories d'une même quantité de vrai sucre. Ils
font augmenter le taux de glycémie dans le sang. En
plus, une consommation excessive de ces produits peut causer
un effet laxatif.
« Par ailleurs, ajoute Mme Côté,
il y a beaucoup de gras dans ces produits. Le fabricant compense
avec le gras pour donner une certaine texture au produit.
Donc ces produits ne sont pas très avantageux. »
Produit auquel on a ajouté des sucres de synthèse
Il
y a enfin les sucres de synthèse : les cyclamates,
l'aspartame, l'acésulfame-potassium, la saccharine
et le sucralose. Ces édulcorants n'ont pratiquement
pas de calories et n'affectent pas le taux de glycémie
dans le sang, même s'ils ont un goût très
sucré. Par exemple, le sucralose a un pouvoir sucrant
600 fois supérieur à celui du sucre ordinaire!
Ces édulcorants sont principalement destinés
aux personnes diabétiques, qui s'en servent entre autres
pour sucrer leur café. On n'a qu'à penser aux
marques Égal, Sugar Twin, NutraSuc, Splenda, etc.
Certains
affirment que les sucres de synthèse sont néfastes
pour la santé. « Je dirais que les connaissances
médicales jusqu'à maintenant ne donnent pas
ces réponses-là, estime le Dr Larocque.
Certaines personnes brandissent l'épouvantail, mais
disons qu'après 10 ou 15 ans d'un usage abusif,
je pense aux boissons gazeuses, en Amérique et aux
États-Unis, on pense qu'il y a peut-être un impact
sur la santé, mais on n'en a pas de preuve formelle.
Est-ce que c'est à encourager? Je dirais que tout abus
n'est pas à encourager. »
En conclusion : quoi choisir?
Le
meilleur choix pour la santé demeure finalement d'éviter
les produits auxquels on a ajouté du sucre et de
privilégier les aliments sucrés naturellement
comme les fruits, les légumes, les produits laitiers
et les fibres. Mais si vous êtes préoccupé
par la quantité de sucre contenue dans les aliments,
soyez vigilants : ne vous fiez pas uniquement aux allégations
sur les produits et faites l'effort de lire les étiquettes
nutritionnelles.
« Lire les étiquettes devient un art très
difficile, croit le Dr Larocque. Il ne faut surtout pas regarder
le slogan, ou ce que la compagnie a bien voulu écrire
sur l'étiquette. Regardez les informations nutritionnelles,
plus précisément les indications sur les glucides.
Ce sont les sucres. Regardez combien il y a de grammes de
glucides dans le produit. Pour savoir combien de calories
viennent des glucides dans ce produit, multipliez le nombre
de glucides par quatre, parce qu'il y a quatre calories par
gramme de glucides. Par exemple, si vous avez un produit qui
contient 20 grammes de glucides, multilpliez par quatre.
Cela donne 80 calories. Si le total de calories dans
ce produit est de 80, les 80 calories viennent des glucides! »
En terminant
Sachez que le
gouvernement canadien a amendé en décembre 2002
le Règlement qui concerne les allégations
sur les sucres. Les compagnies ont encore deux
ans pour s'y conformer.
Un exemple :
si un produit porte la mention « non
sucré », on ne retrouvera
pas dans la liste d'ingrédients des édulcolorants
de type aspartame ou sucralose.
Si un produit
porte la mention « non additionné
de sucre » ou « sans sucre
ajouté », ça veut dire
qu'on ne retrouvera pas dans la liste des ingrédients
les sucres alcool ou encore des jus de fruits.
Ce sera beaucoup plus simple de s'y retrouver!
Note
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