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Émission du mercredi 11 août 2004 à 20 h
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Les OGM dans les aliments
[enquête du 19 février 2004]

Nous cultivons de plus en plus de céréales génétiquement modifiées au Canada. Destinées aux animaux, elles se retrouvent néanmoins parfois dans nos assiettes. Et ce, sans que l'emballage n'en porte mention, comme nous le montre cette enquête de L'épicerie.

Aujourd'hui, le génie génétique cherche à modifier les grains des céréales. En leur ajoutant un ou des gène(s) provenant d'un autre organisme, les céréales peuvent ainsi devenir résistantes aux insectes, aux herbicides et même contenir davantage d'éléments nutritifs. On parle alors d'organismes génétiquement modifiés (OGM).


Marc G. Fortin, directeur du Département de phytologie de l'Université McGill, expert des OGM, a participé à toutes les grandes études sur ce sujet. « Le Canada produit trois aliments génétiquement modifiés : le canola, le maïs et le soya, indique-t-il. Le canola est surtout destiné à la fabrication de l'huile et à l'alimentation animale; le maïs, à l'alimentation animale; le soya, en bonne partie à l'alimentation animale aussi. Il n'y a pas de produits frais [génétiquement modifiés] destinés au marché de consommation. »


Donc pas de pommes de terre, pas de laitues, pas de fraises et pas de tomates génétiquement modifiées dans nos épiceries. Mais 40 % du maïs, 65 % du canola et 81 % du soya cultivés en Amérique du Nord sont génétiquement modifiés.

 



Ces céréales servent surtout à nourrir les animaux. Toutefois, une certaine partie de la récolte de soya et de maïs est transformée en farine et entre donc dans la préparation des aliments transformés. Nous pouvons donc retrouver des OGM dans nos assiettes et ce, sans que nous le sachions. « Il faudrait tester tous les produits. Personne ne l'a fait jusqu'à présent », affirme M. Fortin.

 

Personne, sauf nous! L'épicerie, en collaboration avec le journal Le Devoir, en a fait tester. Nous avons fait appel à la compagnie française Atlangène, parce qu'elle utilise une technologie de pointe qui permet de déceler et de quantifier les OGM. Nous lui avons soumis 27 produits qu'on trouve couramment dans un panier d'épicerie comme des céréales, des biscuits, du jus, du tofu, de la bière et de la sauce soya.

 

Résulats de l'analyse

Sur nos 27 produits testés, deux contiennent 5 % d'OGM : le mélange à crêpes Aunt Jemima et les petits gâteaux Joe Louis.

Deux autres produits contiennent entre 0,9 % et 1,2 % d'OGM : les céréales de maïs soufflé givré de Super C et l'aliment pour bébés Pablum.

Six autres produits contiennent des traces de maïs ou de soya génétiquement modifiés.

Et 17 autres produits n'en contenaient pas du tout. Un résultat qui a surpris.

Robert Ducharme, biologiste, commente : « Je m'attendais à trouver davantage d'OGM que ce qui a été trouvé. »
Fabien Deglise, journaliste au Devoir, poursuit : « Cest un portrait assez étonnant dans la mesure où la majorité des produits testés ne contiennent pas d'OGM. »

 

Les OGM, même en petite quantité, sont-ils nuisibles pour la santé?

La boîte de petits gâteaux Vachon et le mélange à crêpes Aunt Jemima analysés contiennent 5 % d'OGM. Comment interpréter ce résultat? Les avis sont partagés. « Vous savez, des protéines qui pourraient avoir un effet nocif sur la santé, ça n'en prend pas des quantités phénoménales », estime M. Ducharme.

M. Fortin est d'un tout autre avis : « Lorsque la farine de maïs qui contient des OGM est incorporée à un biscuit, puisque le biscuit est un produit relativement transformé (il a été cuit), la plupart du matériel va être dégradé. Dans notre système digestif, le produit se dégrade aussi. Ça fait maintenant huit ans que ces produits-là sont sur le marché et personne n'en est mort, devenu malade ou allergique. Il n'y a aucun cas de réaction négative à un produit transformé qui contient des OGM. » Est-ce une trop courte période, huit ans, pour étudier les effets des OGM sur notre santé? « Huit ans est trop court pour les études d'effets toxicologiques à long terme sur la santé humaine », reconnaît M. Fortin.


Pour sa part, le Pablum de soya que nous avons testé contient 0,9 % d'OGM. Que peut-on en dire? « Ce produit peut être commercialisé autant en Europe qu'en Amérique du Nord, parce qu'il correspond à la norme de la Commission européenne de 0,9 % d'OGM, répond M. Ducharme. Si on ne connaît pas la nocivité potentielle des OGM sur la santé humaine, c'est sûr que si ce danger existe pour les adultes, il existe encore plus pour les enfants. »


Le tofu que nous avons fait tester contenait des traces de soya génétiquement modifié. Mais même un tofu certifié biologique peut en contenir, comme l'a démontré une enquête du Devoir menée à l'été 2003. Sur 10 produits biologiques testés, trois, dont un tofu, contenaient des OGM.

 

M. Ducharme nous explique comment cela est possible : « Les produits biologiques sont susceptibles de contenir des traces d'OGM. Ces traces proviennent de plusieurs sources possibles, par exemple un champ d'OGM à côté d'un champ de culture biologique. Le vent peut transporter des graines ou du pollen dans le champ voisin. Il y aussi le matériel agricole et de transport. »


Par contre, les céréales Corn Flakes que nous avons testées ne contiennent pas d'OGM. « Ce n'est pas un produit certifié sans OGM. Il est donc possible que des lots précédents ou subséquents aient contenu des OGM en quantité détectable ou quantifiable. Mais on ne peut pas le savoir », affirme M. Ducharme.


En fait, tout le problème est là : on ne peut pas savoir. Contrairement à l'Union européenne, qui oblige les compagnies à inscrire sur leurs emballages la quantité d'OGM lorsqu'ils dépassent un seuil de 0,9 %, au Canada, on ne contrôle pas ce taux. Aucune norme ne fixe la quantité d'OGM dans les aliments.


En 1998, le Canada a signé une entente avec les États-Unis afin d'harmoniser notre réglementation à la leur en matière d'OGM. Les Américains ne veulent pas d'étiquetage des OGM, car cela suppose un suivi systématique de tous les produits qui entrent dans la fabrication des aliments. Puisque cela fait grimper les coûts, on préfère ne pas donner ce renseignement.

 

Cette décision politique n'est pas sans conséquences, car le silence entretient la peur, estime M. Deglise : « La peur concernant les organismes génétiquement modifiés est beaucoup alimentée par le mutisme des gens, des autorités sanitaires, de Santé Canada, des entrepreneurs, des gens qui évoluent dans ce milieu-là. Les gens ne veulent pas parler. »


Quand la population est peu informée, la méfiance s'installe. D'autant plus que de nombreuses crises viennent de secouer le monde de l'alimentation : la maladie de la vache folle, la fièvre aphteuse et la grippe aviaire. Elles ont toutes miné la confiance des consommateurs en la sécurité de leurs aliments. « En l'absence d'étiquetage, le consommateur ne sait pas comment s'y retrouver », affirme M. Deglise.


Selon un sondage, une majorité de Canadiens se dit en faveur de l'étiquetage obligatoire

En 2002, un sondage effectué pour le gouvernement fédéral révélait que 84 % des Canadiens étaient en faveur de l'étiquetage obligatoire des OGM. Sur les nouvelles étiquettes nutritionnelles, Santé Canada oblige les fabricants à indiquer les glucides, les gras trans et les agents de conservation. Alors pourquoi pas les OGM? Rien ne dit que les produits étiquetés « avec OGM » resteraient sur les tablettes, surtout s'ils sont attrayants et moins chers.


En terminant

Si les OGM vous intéressent, notre collaborateur, le journal Le Devoir, publie à compter du 19 février une série de trois articles de Fabien Deglise sur le sujet. Voici le premier. Vous trouverez également de l'information complémentaire à ce reportage (hyperliens, etc.) en cliquant sur le bouton « Plus d'info » de la boîte ci-dessous :

 

Résultats de notre test
Les aliments sélectionnés ont été envoyés aux laboratoires de la compagnie française Atlangène Applications, qui a effectué le test « PCR en temps réel » (polymerase chain reaction). Ce test permet d'extraire l'ADN du produit et d'identifier les marqueurs d'OGM dans la chaîne. Le seuil de détection de ce test est de 0,01 %. NQ = non quantifiable
Produit
Marque
Pourcentage
d'OGM détecté
Céréales de flocons de maïs
Corn Flakes, Kellogg's, 400 g
Non quantifiable (NQ)
Céréales
Froot Loops. Kellogg's, 275 g
< 0,9 % (maïs)
Céréales de maïs soufflé givré
Super C, 375 g
1,2 % (maïs)
Maïs à grains entiers
Géant Vert, deux couleurs, 341 ml
< 0,1 % (maïs)
Maïs à grains entiers
Del Monte, frais cueillis Croque-Soleil, 341 ml
< 0,1 % (maïs)
Tomates entières
Aylmer, 796 ml
-
Pâte de tomates
Hunt's, 369 ml
-
Sirop de maïs
Sans nom, 750 ml
NQ
Poudre à pâte
Magic, 450 g
NQ
Gâteaux chocolatés
Jos Louis, Vachon, Saputo, 410 g
> 5 % (soya)
Marinade et sauce
Teriyaki, Kikkoman, 296 ml
NQ
Bière
Maudite, Unibroue, 341 ml
NQ
Bière
Labatt Bleue, Labatt, 341 ml
NQ
Bouillon de poulet
Bouillon de poulet Campbell's, 900 ml
NQ
Mélange à crêpes
Le Choix du président, 1 kg
< 0,9 % (maïs)
Mélange à crêpes
Aunt Jemima, 905 g
> 5 % (maïs)
Chocolat au lait
Hershey, chocolat au lait crémeux, 100 g
NQ
Biscuits au chocolat
Oreo, Christie (Nabisco), 350 g
NQ
Biscuits aux brisures de chocolat
Décadent, Le Choix du président, 400 g
NQ
Céréales de soya pour bébé
Pablum, premières étapes, 227 g
0,9 % (soya)
Tofu mou
Mori-Nu, texture fine, 340 g
< 0, 1 % (soya)
Macaroni au fromage
Dîner Kraft, 225 g
NQ
Bouillon concentré
Bovril au bœuf, Unilever, 250 ml
NQ
Jus de pomme
Oasis, 960 ml
NQ
Maïs à éclater (micro-ondes)
Reden Budders, goût de beurre comme au cinéma, 297 g
< 0,1 % (maïs)
Sauce soya
Sauce soya biologique Tamari, San-J International, 296 ml
NQ
Gobelets pour crème glacée
Super C, 90 g
NQ
 Nos enquêtes (saison 2003-2004)
 

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Les insectes dans les dattes et raisins secs
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Les frites surgelées
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Les OGM dans les aliments
La loi sur les heures d'ouverture des épiceries
La réfrigération dans les épiceries
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La certification des aliments biologiques
Pour les enquêtes de la saison 2002-2003, consultez notre section «Archives»

 

 

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